Pour
commencer, il faut remonter le temps et se projeter un peu avant 1982.
A cette
époque, Larry Kaplan, un homme ambitieux et dynamique, quitte la
firme Atari pour fonder Activision, le célèbre éditeur de
jeux. Mais au bout de quelques temps, frustré dans son travail, Larry
décide qu’il est temps pour lui de créer une nouvelle entreprise. C’est
alors qu’entre en jeu une personne clef : Jay Miner. Cet homme,
au physique sympathique, est un ex-collaborateur de Kaplan du temps où
il travaillait chez Atari. Il est également resté son ami depuis. Jay
Miner, donc, va lui présenter 4 riches investisseurs tout droit venus de
Floride et qui ont l’intention d’investir la modique somme de 7 millions
de dollars dans le marché du jeu vidéo (qui est alors TRES porteur).
Trois de
ces mystérieuses personnes sont en réalité… des dentistes ! Le 4ème
compère est un riche homme d'affaire Texan.
Kaplan
va alors sauter sur l’occasion : En 1982, il quitte Activision pour
fonder sa propre société à Santa-Clara (Californie) : Hi-Toro.
Dans la foulée, il recrute Dave Morse (responsable marketing
chez Tonka-Toys), qu’il nomme chef des ressources humaines. Les
jours passent et la petite entreprise fonctionne plutôt bien. Mais,
victime de son énergie débordante et de son hyperactivité créatrice,
Kaplan s’ennuie rapidement à sa tête. Il décide alors de lâcher
définitivement ce secteur et quitte Hi-Toro pour s’envoler vers d’autres
aspirations.
Parallèlement, Jay Miner, ne se plait plus trop chez Atari qui vient
tout juste de lui refuser son projet inédit de machine 16 Bits
révolutionnaire. Et même le fait que ce très brillant ingénieur
travailla sur de nombreuses machines de la marque (comme l’Atari VCS
2600, l’Atari 400 ou encore l’Atari 800) ne fait pas
plus pencher la balance en sa faveur. On peut comprendre la firme qui,
bien campée sur sa position de leader du marché du jeu vidéo et de
l’informatique 8 Bits, ne désire pas prendre de risque. Mais
Atari ne voit pas que Jay est un visionnaire et qu’il élabore déjà dans
sa tête les prémices d’un ordinateur nouvelle génération qui pourrait
être un atout certain.
Jay,
bridé et frustré, quitte alors Atari pour travailler un temps comme
concepteur de pacemakers chez
Xymos.
Rapidement, il est recruté par Hi-Toro où il travaille sur différents
projets. La petite boite va alors produire des jeux vidéo pour l’Atari
VCS 2600 : avec les connaissances de Jay Miner, tout va beaucoup plus
vite. Elle va aussi créer quelques périphériques de jeux (dont le plus
connu est le Joyboard, une sorte de joystick sur lequel il
faut s’assoir et gesticuler pour activer les switches). Cette
effervescence va contribuer à établir une présence sur le marché de
façon à faire connaître Hi-Toro et à monter quelques circuits de
distribution. Mais ceci n’est que la première phase d’une stratégie bien
définie. En effet, ces ventes ont pour unique but de financer l’ambition
ultime de la firme : Le mystérieux projet Lorraine !
Sous ce
nom de code étrange ne se cache ni plus ni moins que le fameux rêve de
Jay Miner : sa nouvelle machine 16 bits !
Au
départ, il est question de fabriquer la console de jeux la plus
puissante au monde. Architecturée autour d’un Motorola 68000,
l’un des secrets de la puissance de sa machine résidera dans l’ajout de
customs chips, des processeurs dédiés, qui permettront de
décharger le processeur principal de tout ce qui concerne l’affichage,
le son, etc… Jay est aux anges.
Fin
1982, la firme va voir son nom changer. En effet, sur le marché,
beaucoup trop de compagnies portent un nom proche de Hi-Toro qui a, il
faut bien l’avouer, une consonance assez asiatique. C’est Jay qui va
choisir le nouveau nom et finalement opter pour Amiga Corp.
La
raison pour laquelle « Amiga » a été choisi reste encore obscure de nos
jours. Certains racontent que c’est en cherchant à véhiculer un
sentiment d’amitié alors que d’autres certifient qu’il s’agit des
initiales de « Advanced Multitasking Integrated Graphic Architecture ».
Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : Cela lui permettait de se
retrouver dans les premiers sur les listes et cela même devant Apple
et Atari. Et si Jay était au début un peu dubitatif vis à vis de ce
choix de nom, l’impact indéniable de ce dernier avantage va complètement
le convertir.
En 1983,
l’objectif de prix pour la machine est de 400 Dollars, ce qui est
parfait pour une console de jeux. Mais, hélas, avec les coûts de
développement engendrés, ce tarif augmente très rapidement à 600
Dollars. Devant les récentes difficultés que rencontre alors le
marché de la console de jeux, il est décidé que, pour un tel prix, il
faut absolument proposer quelque chose de plus consistant qu’une simple
console au consommateur. Les techniciens vont travailler d’arrache-pied
pour transformer le projet Lorraine en véritable micro-ordinateur
révolutionnaire grâce à l’adjonction d’un clavier, d’une souris, de
connecteurs supplémentaires, d’un lecteur de disquette, etc… jusqu’à
même créer un système d'exploitation très innovant !
Pour
effectuer ces taches, il faut recruter de nouvelles compétences :
Dale Luke s’occupe du développement de l’OS, Carl
Sassenrath conçoit le system multi-taches, RJ Mical développe
« Intuition » (la partie graphique de ce qui deviendra le
Workbench) et, enfin, Jay se concentre sur la partie hardware,
l’affichage en mode HAM, le Blitter (une idée de Ron
Nicholson) et, surtout, sur les customs chips.
Tout
travail mérite salaire et la société va, hélas, s’enfoncer encore un peu
plus dans les dettes… Mais qu’importe, le projet Lorraine en enfin une
réalité puisqu’en septembre 1983 la machine est prête ! Enfin… presque.
En effet, ce prototype se présente alors sous une forme quelque peu
disgracieuse : 4 grosses cartes électroniques placées verticalement
autour d’un noyau central et reliées entre elles par les coté grâce à
des câbles électriques. Les customs chips ne sont pas encore en
silicium. Un petit clavier noir ridicule sert d’interface et le tout
s’expose à l’air libre, sans aucun boîtier autour. Un design on
ne peut plus minimaliste et primitif !
Le 4
janvier 1984 est l’occasion pour Amiga Corp de faire connaître son
projet puisque se déroule à Chicago l’un des plus grands rassemblements
informatiques du monde : Le CES. Aux yeux de Jay Miner, cette
date est providentielle et c’est un rendez-vous à ne surtout pas
manquer. Une course contre la montre va alors se mettre en route pour la
petite équipe : il faut absolument peaufiner et débuger un peu la
machine avant la date fatidique. La partie logicielle est réalisée à la
hâte seulement 10 jours avant le CES, mais elle fonctionne parfaitement
en simulation. Et après un travail acharné jusqu’au dernières minutes,
le prototype fonctionne enfin à 100% (on raconte que les ingénieurs
réparaient encore le hardware à coups de fer à souder juste avant
l’ouverture du CES car la machine refusait de démarrer).
Le
projet Lorraine est donc dévoilée à un publique choisit, très restreint
et dans l’intimité d’une pièce privée (car malgré tout, il doit encore
rester secret). Une démo est même conçue pour l’occasion par Dave Luke
et RJ Mical : la très célèbre Boing Démo. Cette petite animation
ultra fluide et sonore d’une boule 3D à damier rouge rebondissant sur
les quatre coins de l’écran tout en tournant sur elle-même fait l’effet
d’une bombe : C’était une première à l’époque. La puissance de la
machine saute aux yeux ! Les gens repartent médusés et conquis : Le CES
est une magnifique réussite et un tremplin extraordinaire. Le bébé de
Jay Miner semble être une totale réussite.
Malheureusement, à ce moment, Amiga Corp est dans une situation des plus
délicates financièrement parlant. Les caisses sont complètement vides,
empêchant par la même occasion la fabrication de la moindre machine… Les
investisseurs d’origines refusent de s’engager d’avantage. Pourtant, une
bonne partie des ingénieurs avaient même accepté de travailler sans
solde afin d’aider à l’aboutissement du projet. Mais cela ne suffit pas.
Les
responsables des finances font des miracles et réussissent tout de même
à faire durer les choses jusqu’au CES de Juin. A ce moment là, le
Lorraine est enfin en silicium et totalement opérationnel. Ce nouveau
rendez-vous est a nouveau un succès et a pour conséquence de faire
rentrer un peu d’argent dans la société. Et comme dans toute petite
entreprise qui se respecte, dès que l’argent rentre, il est
immédiatement dépensé. Plusieurs personnes sont donc embauchées et
assignées à diverses taches comme celle de terminer le système
d’exploitation ou encore d’optimiser le hardware en essayant, au
passage, de réduire les coûts de fabrication.
Mais
rapidement le manque d’argent ressurgit mettant par la même occasion en
échec le projet de distribution de la machine.
Il n’y a
plus qu’une solution pour éviter la faillite : lancer un appel d’offre
afin de s’allier à une grande marque reconnue et qui possède les
finances nécessaires pour, non seulement maintenir la compagnie à flots,
mais également permettre de démarrer la production.
Apple,
Sony, Philips, HP, Silicon Graphics et
beaucoup d’autres sont contactés mais les négociations n’aboutissent
pas. Finalement, et à la stupeur de tous, c’est Atari qui répond présent
en la personne de Warner, son dirigeant, en proposant un prêt
d’un million de dollars à la petite société pour se relever !
Rappelons qu’à l’origine Atari ne croyait absolument pas en un tel
projet et avait refusé à Jay Miner (qui y travaillait alors) de se
lancer dans cette aventure. Alors pourquoi faire une telle offre ?
Comment se fait-il que tout à coup le projet devienne intéressant à
leurs yeux ?
Tout
simplement parce qu’Atari est un excellent négociateur. En effet,
l’offre contient une close non négligeable : Les 1 million de Dollars
devront être remboursés en… 1 mois ! Et si l’argent n’était pas
remboursé à temps, Amiga Corp serait rachetée au prix très avantageux de
3 Dollars la part ! Si cette offre peut sembler conséquente, c’est tout
de même prendre bien peu de risque puisqu’Atari sait pertinemment
qu’Amiga ne pourra jamais rembourser une telle somme avec une échéance
aussi courte. Jay Miner n’a pourtant pas d’autre alternative que
d’accepter, à contrecœur. Et au fur et à mesure que les jours passent
Atari en profite pour renégocier l’accord plusieurs fois. Vers la fin du
mois, le prix de rachat des parts chute à la ridicule somme de 0,98
Dollars !!! Amiga Corp est pris à la gorge.
La
boucle est bouclée : Tout semble indiquer que l’Amiga sera probablement
la prochaine machine d’Atari. Le 3 juillet, la firme annonce même à ses
techniciens l’arrêt des projets 8 Bits en cours pour se
concentrer sur le prochain projet 16 Bits qu’est le Lorraine. Il
semble qu’Atari soit à présent TRES intéressée par la technologie des
customs chips.
Quelques
jours avant la fin du mois fatidique, Atari se frotte déjà les mains, se
disant que les jeux sont faits et qu’elle vient de conclure l’affaire du
siècle. Et c’est lorsque la situation semble bien désespérée pour Amiga
Corp, que se produit l’inattendu…
Commodore, mondialement connu pour le succès de son Commodore 64
se trouve à ce moment dans une assez mauvaise passe suite a la
production de nouvelles machines qui n’ont connu aucun succès (à cause,
notamment de leur incompatibilité avec le Commodore 64, une grosse
erreur stratégique). A cette époque, le géant américain est lui aussi
grandement endetté et se retrouve plongé dans un vide technique, n’ayant
plus aucune machine valable à proposer au grand publique. Les
dirigeants, cherchant par tous les moyens à sauver leur entreprise et
flairant le bon moyen pour rentrer de plein pied dans le courant des
16/32 bits, font alors à Jay une proposition inespérée. Cette
proposition consiste au rachat d’AmigaCorp au prix confortable de 4,25
Dollars la part et d’une avance de 1 million de Dollars
pour rembourser Atari à temps avec, à la clef, la promesse de subvenir à
l’amélioration et à la commercialisation de la machine.
C’est
ainsi que le 15 Août 1984, à 2 jours de l’échéance fixée, Amiga Corp
rembourse complètement Atari et est intégrée à Commodore, faisant ainsi
un pied de nez à la firme qui tentait jusqu’à lors de la saigner.
Commodore-Amiga Inc voit le jour.
Atari se
retrouve le bec dans l’eau.
Ce qu’il
faut savoir, c’est que pendant que ces événements se jouent, Jack
Tramiel quitte Commodore pour Atari et tente de récupérer à son tour
la technologie Amiga en attentant un procès à Commodore, le 13 Aout
1984, afin de briser l’accord fraîchement signé. Atari réclame la
modique somme de 100 millions de Dollars de dommages et intérêts
invoquant « la rupture de contrat » comme motif. Mais le procès
n’aboutit pas et l’affaire est rejetée.
Commodore met alors à disposition 27 millions de Dollars afin de
permettre à Jay Miner et son équipe d’améliorer définitivement sa
machine. Les ingénieurs réussissent, grâce à l’utilisation de matériel
performant mis à disposition (comme les Crays) à faire du projet
Lorraine un véritable micro-ordinateur 16 Bits abouti. Les
customs chips subissent même une miniaturisation encore plus
poussée. La réduction des coûts est également revue et améliorée. Enfin,
une aide est apportée à l’élaboration du design afin de rendre
l’apparence de la machine la plus professionnelle possible.
A ce
stade, il ne reste plus que le système d’exploitation à peaufiner car
quelques bugs et imperfections y résident encore. Les ingénieurs
demandent alors 18 mois de plus afin de se pencher sur ces petits
problèmes. Mais Commodore, pressé de commercialiser la machine refuse ce
délais supplémentaire, ce qui a pour conséquence de distribuer la
machine avec un Kickstart sur disquette (au lieu d’être intégré
en ROM comme cela sera le cas avec les versions suivantes). Mais
cela permet toutefois d’envisager une alternative : cette version 1.0 du
Kickstart pourra ainsi être mise à jour ultérieurement très
facilement par le simple emploi d’une disquette au boot de la
machine.
Le
projet Lorraine prend alors le nom définitif d’Amiga 1000 et est
présenté officiellement, avec succès, le 23 Juillet au Lincoln Center de
New York.
Pendant
ce temps, chez Atari, on ne perd pas de temps : Jack Tramiel, très agacé
par l’issue de son affaire avec Amiga Inc, va tout mettre en œuvre pour
sortir à grande hâte un micro-ordinateur 16 bits lui aussi. Mais
sans les plans de la machine de Jay, la machine d’Atari ressemble plus à
une sorte de clone approximatif qu’à un véritable Amiga. Architecturé
autour d’un Motorola 68000 lui aussi, mais moins puissant (à cause,
principalement, de l’absence des customs chips), l’Atari 520
ST voit le jour quelques mois avant la commercialisation de l’Amiga
1000. Et c’est grâce à cette avance que l’Atari 520 ST trouve
tout de même un très large publique.
L’Amiga
1000, quand à lui, est considéré à sa sortie comme l’ordinateur le plus
puissant du moment et largement en avance sur son temps par rapport à la
concurrence. Mais malheureusement, il est cher, très cher…trop cher.
L’Atari ST est, sur ce point, beaucoup plus attrayant. Les débuts de
l’Amiga 1000 sont donc difficiles et il faudra attendre l’Amiga 500, une
version améliorée et moins chère, pour obtenir enfin une machine encore
plus puissante et surtout bien plus abordable.
Le
chemin qui a mené l’Amiga de la simple idée à sa commercialisation a
donc été incroyablement tortueux et parsemé de rebondissements. Les
vas-et-viens incessants entre Atari et Comodore sont là pour en
témoigner. L’Amiga 1000 aurait du maintes fois se retrouver la propriété
de la marque Atari (l’idée est même né dans ses locaux !), mais
l’histoire à voulu que Commodore arrive au bon moment pour se
l’approprier.
En 1986 l'Amiga 1000 est lancé en Angleterre, le SideCar est créé et Mehdi Ali entre chez Commodore.
En 1987 l'Amiga 2000 est mis au point peut avant l'Amiga 500. le KickStart 1.2 est disponible. La société Scala est fondée en Norvège.
En 1990 l'Amiga 3000, le premier système entièrement 32 bits, est présenté. La même année l'Amiga 500+ est lancé en Europe.
En 1991 le CDTV et lancé mais ce révèle rapidement un échec commercial.
L'année 1992 voit naître l'Amiga 600, le chipset AGA, l'Amiga 4040, l'Amiga 1200 et le système 3.0.
En 1993, sort la dernière machine de Commodore : la CD-32.
A la fin de cette année, les comptes de Commodore présentent un déficite de 107 millions de dollars.
En Avril 1994, Commodore est officiellement en liquidation judiciaire.
Le 20 juin 1994, Jay Miner nous quitte.
De nombreuses sociétés semblent alors intéressées par le rachat de Commodore et de la technologie de l'Amiga mais les annonces de rachats se multiplient sans que rien n'en ressorte réellement.
Après cette longue période de brouillard, la société allemande ESCOM finit par racheter Commodore, et donc l'Amiga, en 1995 (pour la somme de 10 millions de Dollars). Escom promet un avenir radieux à l'Amiga et envisage de lui faire franchir le pas vers la technologie RISC.
Mais ESCOM, en 1996, est confronté à de grosses difficultés financières qui l'oblige à cèder Amiga Technologies à la société américaine VisCorp pour la somme de 40 millions de dollars.
Cette jeune société est spécialisée dans la télévision interactive et produit des Set-Top-Box. Elle promet malgré tout de continuer à développer l'Amiga sous sa forme actuelle
La plupart des personnages importants de Viscorp sont des anciens de Commodore. De plus, Carl Sassenrath, qui n'était qu'un consultant, était un vrai connaisseur de l'Amiga.