L'Amiga de Commodore

L'Amiga de Commodore est un micro-ordinateur mythique. Si l'on avait demandé aux plus fous d'entre les passionnés, il y a un an, de décrire l'ordinateur de leurs rêves, ils auraient probablement égrené la fiche de caractéristiques techniques de l'Amiga . Cela ne suffira certes pas à assurer son succès. Pour en savoir plus sur cette machine beaucoup décrite mais en réalité mal connue, nous sommes allés réaliser ce banc d'essai à l'endroit dans le monde où se trouvent les meilleurs spécialistes de l'Amiga, ceux qui connaissent le mieux les recoins les plus intimes de la machine: à Bristol, en Angleterre, où se trouve la société Metacomco, créateur du système d'exploitation de l'ordinateur. Ceux qui se trouvent ainsi à la charnière entre l'électronique et logiciel ont un point de vue unique sur le fonctionnement de l'Amiga. Cela nous a permis de corriger nombre d'idées reçues. 

L'ordinateur vedette de Commodore, qui devait coûter moins de 20 000 F HT tout compris en France, nous est apparu comme la synthèse de trois grands types de machines qui ont émergé durant la courte histoire de la micro-informatique: l'ordinateur de jeu, l'IBM PC et le Macintosh d'Apple. Résultat: des objectifs contradictoires, une machine entièrement nouvelle, et par bien des côtés, fascinante. Cohérente? C'est moins sûr. L'Amiga devrait être en vente en France vers le mois de mars. Les créateurs de logiciels suivront-ils ?

La boule rouge et blanche tourne lentement sur l'écran de l'Amiga. son ombre joue sur les bords de l'écran. A chaque rebond, on voit changer le sens et la vitesse de rotation de la boule sur elle-même, comme s'il s'agissait d'une vraie balle de tennis; le bruit en stéréophonie, est d'un réalisme saisissant. Cette démonstration, faite tant de fois qu'elle en devient le symbole même de l'Amiga, montre les deux aspects les plus novateurs de la machine: la qualité du graphisme et du son, une qualité qui devrait coûter en France entre 18 000 et 19 000 F HT avec un lecteur de disquettes, 512 Ko de mémoire vive et un écran couleur. Pour comprendre comment est possible une performance technique aussi extraordinaire, il faut un léger retour en arrière et s'intéresser à la genèse de la machine, issue des consoles de jeu. Au début des années 80 (va-z-y Pépé, raconte nous la merveilleuse histoire de la micro-informatique), les ordinateurs de jeu semblaient avoir l'avenir devant eux. Plus de couleurs, un meilleur son, une meilleure définition graphique, tel étaient les critères de choix.

Hélas, faire boum-boum sur la télévision familiale est rapidement apparu comme une occupation d'un intérêt limité, et les utilisateurs de consoles de jeu se tournèrent sans regret vers des ordinateurs familiaux plus polyvalents qui pouvaient à la fois être utilisé comme ordinateur et machine de jeu. Feu l'Atari 800 était un exemple de machine faite à la fois pour le jeu et la programmation. SA particularité était de comporter, à côté d'un classique microprocesseur, trois circuits intégrés spécialisés gérant les fonctions périphériques, notamment l'écran et le son. Jay Miner, le concepteur de ces trois circuits spécialisés, s'est retrouvé alors dans une petite société californienne nommé Amiga, avec comme but d'inventer la meilleure machine de jeu du monde. Très naturellement, ce projet a évolué en même temps que le marché lui-même. 

A la suite d'une mémorable bataille juridico-financière, Commodore a réussi à rafler Amiga sous le nez d'Atari, qui convoitait également son rachat. Le lancement de l'Amiga peut apparaître comme la réplique de Commodore à l'Atari 520 ST. Mais ce serait passer à côté de l'esprit de cette machine: l'Amiga réunit tout ce qui a fait la réussite des machine qui l'on précédé. Cela dit, tout le monde sait que pour réussir une mayonnaise, il ne suffit pas de mélanger les bons ingrédients.

De la machine de jeu de ses origines l'Amiga garde les trois processeurs spécialisés conçus apr Jay Miner, et la possibilité de brancher deux manettes de jeu. Au Macintosh, l'Amiga emprunte le système de bureau et des fenêtres, la souris, le microprocesseur Motorola 68000 et les disquettes 3 1/2 pouces. A l'IBM PC, l'Amiga doit la possibilité de lire des disquettes 5 1/4 pouces, une certaine compatibilité, un système d'exploitation à commande par ligne, un écran graphique couleur et l'accès au bus interne de la machine, permettant la commercialisation de coffret d'extension. Ce bien curieux mélange donne une machine originale, dont chaque détail mérite l'examen.

Le clavier aura 81 touches dans sa version AZERTY, deux de plus que le clavier américain.

Commençons par le matériel. L'ordinateur lui-même est une étrange boîte très plate. Le clavier détachable peut, quand il n'est pas utilisé, se glisser dessous. Le moniteur couleur se place sur la machine. La face avant de l'Amiga comporte un lecteur de disquettes 3 1/2 pouces incorporé, ainsi qu'une ouverture qui permet de connecter une carte mémoire supplémentaire de 256 Ko doublant la mémoire vive de la machine. Le côté droit du coffret comporte les deux connecteurs pour les manettes de jeu optionnelles. C'est sur l'un de ces connecteurs que se branche la souris à deux boutons qui est fournie en standard. C'est sur ce même côté que l'on accède au connecteur de bus. 

La société américaine Tecmar a déjà annoncé un boîtier d'extension multifonction qui permettra d'augmenter la mémoire de 1 Mo, de disposer d'une horloge calendrier, d'une interface série (RS232C) et d'une interface parallèle (soit Centronics, soit SASI pour connecter un disque dur, au choix de l'utilisateur). L'arrière de l'Amiga offre un bel alignement de connecteurs en tous genre. Outre le connecteur du clavier, on y trouve une sortie série (RS232C), une sortie parallèle (Centronics) et un connecteur pour lecteurs de disquettes externe. Deux connecteurs sont prévus pour conduire le son stéréo vers un amplificateur. Il faut signaler que l'Amiga n'a pas de haut parleur incorporé: des accessoires externes sont donc indispensables. Le moniteur que nous avons testé comportait un seul haut-parleur, et ne pouvait donc pas reproduire le son en stéréophonie. Il existe trois sorties pour l'image vidéo: un connecteur composite à la norme américaine de télévision NTSC, un connecteur RVB analogique et un connecteur RVB numérique.

En option, il existe des lecteurs de disquettes externes de 3 1/2 pouces et 5 1/4 pouces. Il est possible de brancher à la queue leu leu trois lecteurs de disquettes externes. Commodore ne prévoit pas de fournir de disque dur, mais Tecmar annonce déjà un disque dur de 20 Mo et un modem de 2 400 bauds.
L'écran couleur, dont l'achat sera pratiquement obligatoire en Europe, permet d'afficher les superbes graphiques de l'Amiga. Le clavier comporte 91 touches dans sa version française, avec pavé numérique, touches de déplacement du curseur et dix touches de fonctions disposées horizontalement. L'alimentation électrique incorporée à la machine est refroidie par un ventilateur pratiquement silencieux. 

A l'arrière, un alignement impressionnant de connecteurs. A droite, le ventilateur de l'alimentation électrique qui fonctionne silencieusement.

Sur les machines que nous avons testées, le transformateur n'acceptait que le courant 110 V américain, et il n'est pas sûr que les premières machines livrées en France acceptent le 220 V. Du point de vue du matériel, l'Amiga est donc une machine très originale, qui ne ressemble à aucune autre.

Logiciels en cascade

Mais l'Amiga ne se réduit pas à ses caractéristiques électroniques, même si elles sont attrayantes. L'Amiga, c'est aussi les logiciels qui l'accompagnent. Comme le Macintosh et l'Atari 520 ST, l'Amiga est prévu avec un gros paquet de logiciels en mémoire morte. L'intérêt de cette bibliothèque de fonctions de base est d'obliger tous les auteurs à programmer de la même manière. Tous les logiciels auront ainsi un fort air de parenté, et l'utilisateur ne perdra pas son temps à réapprendre les manipulations de base communes à tous. Cette formule a fait le succès du Macintosh. En revanche , l'adaptation du logiciel intégrateur GEM à l'Atari ST semble poser quelques problèmes.

Pour l'Amiga, la situation de l'Atari va se reproduire: dans un premier temps, la mémoire morte va être remplacée par une mémoire vive chargée à partir d'une disquette. L'inscription définitive du logiciel de base en mémoire morte, une fois les programmes entièrement mis au point, est reportée à une date ultérieure. Le chiffre le plus souvent cité est de 192 Ko de mémoire morte; mais il est probable que la version finale, si elle existe jamais, occupera 256 Ko.

Les outils du bureau de l'Amiga s'inscrivent dans les fenêtres avec la technologie de menus déroulants et de sous-options.

Avec un certain humour, la disquette qui remplace cette mémoire morte se nomme Kickstart, comme si l'Amiga était une moto dépourvue de démarreur électrique. Il faut recharger ce logiciel à chaque fois que l'on éteint la machine: cette opération prend un peu plus de vingt secondes, ce qui est supportable. En cas d'incident, comme un "plantage" grave d'un logiciel, qui empêche le fonctionnement du système d'exploitation, il est parfois nécessaire de recharger le contenu de la disquette Kickstart, ce qui s'avère fastidieux, d'autant qu'une seconde disquette nommée Workbench (l'atelier), doit être chargée ensuite, pour disposer du système d'exploitation complet. Au total, compte tenu des manipulations de disquettes, il faut environ une minute pour mettre en route l'Amiga.

 Différents logiciels de base composent ces deux disquettes. A part les gestionnaires des différentes parties de la machine, le premier gros ensemble se nomme Intuition. C'est une bibliothèque de sous-programmes qui contient les outils pour la gestion des fenêtres et du déplacement du curseur de la souris. Cet ensemble occupe environ 48 Ko; c'est l'équivalent de la bibliothèque Quickdraw dans la mémoire morte du Macintosh.

Le deuxième logiciel est le système d'exploitation proprement dit: Amiga DOS gère bien entendu les entrées-sorties, en particulier les fichiers et occupe environ 44Ko. Il est complété par le Workbench, représentation imagée de la gestion de fichiers, qui reprend largement les principes utilisés par le Macintosh. toutes les opérations élémentaires sur les disquettes se font par simple sélection dans des menus déroulant ou par déplacement d'icônes. Pour ceux qui sont allergiques à cette métaphore du bureau, il existe un langage de commande par ligne, nommé CLI, et qui est fort semblable au système d'exploitation MS-DOS de l'IBM PC. L'amiga se trouve donc être la première machine qui, dés sa conception , cumule les avantages de la représentation par icône avec ceux d'un système à commande par ligne.

Contraitrement aux autres logiciels de base de l'Amiga, le système d'exploitation Amiga DOS n'a pas été écrit par le créateur de la machine, mais par METACOMCO, une société anglaise. Amiga DOS posséde comme caractéristique princiaple d'être multitâche. Il est donc parfaitement possible de lancer plusieurs programmes en même temps. Cette possibilité, alliée à l'exceptionnelle souplesse de la manipulation des fenêtres et des plans graphiques, multiplie les possibilités de la machine. A titre d'essai, nous avons lancé en même temps deux programmes en Basic, qui se sont déroulés dans deux fenêtres différentes. A tout moment, il a été possible de regarder les résultats en manipulant les deux fenêtres d'affichage avec la souris. Les deux programmes duraient respectivement 27 et 34 secondes, soit une durée d'exécution totale de 61 secondes. Quand ils tournaient ensemble, ils se sont achevés au bout de 52 secondes et 60 secondes respectivement. 

La technique de plans graphiques permet d'avoir sur l'écran des définitions graphiques différentes.

C'est particulièrement remarquable, puisque les deux programmes prennent moins de temps quand ils sont lancés en même temps que l'un après l'autre. Chaque programme profite donc des temps d'attente de l'autre. A cause de sa possibilité de faire fonctionner plusieurs programmes à la fois, l'Amiga DOS est quelquefois comparé à Unix, le système d'exploitation "poids-lourds" de nombreux mini-ordinateurs et de certains micros. Cette comparaison est abusive: Unix permet de faire tourner plusieurs programmes à la fois, mais aussi d'utiliser la même machine à partir de plusieurs écrans. On dit qu'Unix est multiposte et multitâche alors qu'Amiga DOS est seulement multitâche (ce qui est déjà pas mal). Unix partage lui-même la mémoire et empêche toute interférence entre les utilisateurs. Cette protection de la mémoire n'existe pas avec Amiga DOS.

Absence de Catalogue

La gestion des fichiers sur Amiga DOS est assez particulière. La plupart des systèmes d'exploitation écrivent un catalogue physique sur les disquettes ou les disques durs. Ce catalogue contient la liste de tous les fichiers du disque. Cette méthode a plusieurs inconvénients: le catalogue est toujours placé au même endroit sur la disquette, et le moindre défaut sur la piste correspondante rend toute la disquette illisible. De plus, la taille du catalogue est limitée et fixée à l'avance. Avec Amiga DOS, ces problèmes sont résolus avec élégance: il n'ay a tout simplement pas de catalogue... A mesure que la disquette ou le disque dur se remplit, les différents fichiers qui le composent sont chaînés les uns aux autres. Ce chaînage est suffisamment redondant pour que l'effacement d'une partie de la disquette n'empêche pas de relire le reste. L'avantage principal est que tout le volume de la disquette contient des informations. C'est pour cette raison que la capacité des disquettes 3 1/2 pouces, double face est de 880 Ko sous Amiga DOS, soit un gai de 10% par rapport à la capacité obtenue avec les autres systèmes d'exploitation. Un deuxième avantage est qu'il n'y a plus aucune limitation au nombre de fichiers sur le volume, et que le même système peut gérer des disquettes ou d'énormes disques durs. Malheureusement, toute médaille a son revers, et la gestion de fichier de l'Amiga DOS en a un de taille: elle est très, très lente. Les chiffres de notre standard de performances confirment l'impression ressentie quand on ouvre la fenêtre d'un catalogue: l'affichage ne prend pas moins d'une seconde ... par icône!

Une définition graphique digne des machines spécialisées.

Le bureau du Macintosh possède les outils qui sont devenus indispensables à toute interface - utilisateur graphique: une horloge indiquant l'heure dans une fenêtre de taille variable. Signalons que l'Amiga ne possède pas d'horloge calendrier permanente: il faut remettre la machine à l'heure à chaque mise en route. Le coffret d'extension externe annoncé par Tecmar résout cependant ce problème. A cause du caractère multitâche de l'Amiga DOS, il est bien sûr possible d'ouvrir en même temps plusieurs de ces fenêtres, ce qui est plus spectaculaire qu'utile. Une calculette et un bloc-notes complètent le bureau de l'Amiga. Le bloc-notes a une particularité déconcertante: chaque page peut s'utiliser recto-verso.

 Par ailleurs, contrairement au bloc-notes du macintosh, le texte tapé est coupé n'importe comment en fin de ligne, y compris au milieu d'un mot si la longueur de ligne tombe mal. Ce petit défaut réduit beaucoup l'utilité du bloc-notes dans l'état actuel des choses. En plus la gestion du système par icônes comme sur Macintosh, l'Amiga dispose de CLI (Commande Line Interpreter), un langage de commande par ligne comparable à MS-DOS. Une fonction d'aide permet au débutant de ne pas avoir recours au manuel à chaque erreur. Il est possible de préparer, comme avec MS-DOS, des enchaînements automatiques de programmes. Le langage de commande bénéficie lui-même du caractère multitâche du système d'exploitation. Il peut ouvrir plusieurs fenêtres simultanément et exécuter en même temps plusieurs enchaînement d'opérations.

L'Amiga possède dés son lancement deux Basic: ABC Basic est écrit par Metacomco, la société qui est l'auteur d'Amiga DOS. Microsoft a également adapté son Basic, et cette version sera distribuée avec la machine. SVM a testé les deux, et le test de performances fait apparaître une assez nette supériorité du Basic de Microsoft. On trouve dans ce Basic les mêmes améliorations que sur le Basic 2.0 pour Macintosh et sur le compilateur Quick Basic pour IBM PC, tous deux écrits par Microsoft. La numérotation des lignes devient facultative, les branchements se font au moyen d'un nom de paragraphe alphabétique. La notion de sous-programme est enfin introduite et la portée des variables est choisie par le programmeur. Par défaut, les variables n'ont de signification qu'à l'intérieur d'un sous-programme, sauf si on déclare explicitement que certaines variables sont partagées. 

L'écran graphique rend possible des programmes de dessins en haute définition.

La notion d'interruption est généralisée. Très classique pour la récupération des erreurs de programme, elle sert à tout moment pour gérer des événements fortuits, extérieurs au déroulement normal d'un programme: ces événements peuvent être soit un mouvement de souris, soit une sélection de menu, soit un déplacement de fenêtre, soit même à une interruption due à la collision de deux objets graphiques, ce qui est tout à fait inouï.

La maîtrise du son

La commande du son est particulièrement riche et elle permet de tirer parti des quatre voix sonores. L'Amiga est le premier ordinateur qui ait un qualité de son comparable à celle d'un bon synthétiseur musical, surtout si on utilise la sortie stéréophonique sur un amplificateur. Mais la grande nouveauté de l'Amiga est d'offrir en standard la possibilité de convertir une chaîne de caractères et de la faire prononcer par l'ordinateur. L'opération se fait en deux ordres: TRANSLATE traduit une chaîne de caractères en une suite de sons symbolisés par des signes typographiques. L'ordre I SAY prononce cette phrase en précisant les caractéristiques de la voix, grave ou aiguë, lente ou rapide, masculine ou féminine, avec ou sans phrasé.

Cette dernière particularité permet une démonstration très amusante, dans laquelle l'Amiga se présente en parlant successivement avec diverses voix très fidèles, puis pour finir, avec une voix métallique et déformée qui dit: "je peux aussi parler comme un ordinateur". Malheureusement, pour les francophones, toutes ces possibilités ne fonctionnent correctement qu'avec la langue anglaise. Les tentatives pour faire prononcer des phrases françaises donnent des résultats amusants, mais pratiquement inutilisables. Speechcraft, un petit logiciel de démonstration des possibilités du synthétiseur de parole, est fourni avec l'Amiga.

Contrairement au Macintosh, l'Amiga n'est pas distribué en standard avec des logiciels d'applications prêts à l'emploi. Pourtant l'équivalent de Mac Write et MAc Paint existent et seront distribués directement par Commodore. TextCraft est un traitement de texte mis au point par Arktronics (l'éditeur du logiciel intégré Jane) qui emprunte à Jane les icônes symbolisant l'opération en cours, et qui emprunte à Mac Write la technique des menus déroutants. Ce programme propose un certain nombre de types de textes prêts à l'emploi, comme le mémo, la note, ou le rapport. Plusieurs types d'imprimantes, de toutes technologies, peuvent être choisies.

Graphicraft (de Island Graphics) est comparable est comparable à Mac Paint, avec l'avantage d'être en couleurs en plus. Bien entendu, une collection complète de logiciels graphiques est déjà annoncée par Island Graphics: Chartcraft pour les graphiques, Paintcraft pour le dessin professionnel et Videocraft pour l'animation. Dans le domaine de la musique, il existe déjà la copie de Musicworks sur le Macintosh et qui se nomme Musiccraft (de Everyware). Un logiciel plus professionnel de composition musicale s'appelle Amiga Harmony (de Cherry Lane Technologies). Côté logiciels professionnels, les grands comme Lotus de Ashton Tate restent absents pour l'instant. 

Toutefois Borland International a annoncé l'adaptation de son Turbo Pascal. Enable (de The Software Group), un logiciel intégré pour IBM PC, est en cours de conversion, les différents modules (traitement de texte, tableur et gestionnaire de fichiers) étant par ailleurs vendus séparément. Un logiciel comparables à Lotus 1-2-3 est annoncé à 200 dollars par VIP Technologies. Toute une série d'ustensiles de bureau est développé par Digital Creations.

La question de la bibliothèque de logiciels disponibles serait complètement résolue si l'Amiga était compatible avec l'IBM PC. Or, il existe un logiciel qui émule les instructions du microprocesseur 8088 de l'IBM PC. De plus, il est possible de lire des disquettes 5 1/4 pouces sur un lecteur externe. De là à dire que l'Amiga est compatible avec l'IBM PC comme le fait commodore, il y a une marge qu'il ne faut pas franchir: la première version du logiciel d'émulation ne fonctionne qu'avec certains programmes et uniquement en mode texte. De plus, le lecteur externe est incapable de lire une disquette protégée. Il est en revanche certain que l'on pourra relire des fichiers d'une machine à l'autre. C'est vraiment le degré zéro de compatibilité. Signalons que l'Amiga devient, sous émulateur IBM PC, une machine très lente. 

Les langages seront d'emblée très nombreux sur l'Amiga. A part les deux Basic, toute la collection des langages Metacomco sera disponible: assembleur, Lisp, Pascal. On verra aussi le langage C (de Lattice) et de Logo (de The Lisp Company). Dans le domaine des jeux, ce sera sans doute l'abondance: certains éditeurs comme Infocom, Mindscape, Electronic Arts ou Sublogic annoncent d'emblée des collections complètes. une version de Flight Simulator vous met aux commandes d'un avion à réaction sur un décor de pyramides.

Le temps des contrats.

Parler des programmeurs sur Amiga, c'est essayer d'imaginer ce que cet ordinateur deviendra demain. Un certain nombre de traits communs font penser que de nombreux programmeurs travaillant sur Macintosh pourraient également tenter leur chance sur Amiga. Pour ce qui est de la France, la première réunion de présentation de la machine réservée aux éditeurs et programmeurs a réuni plus de deux cents personnes. une quarantaine de contrats sont d'ores et déjà signés. commodore France ne signe pas de contrats avec des créateurs de jeux, préférant donner une image plus professionnelle à sa machine. Les projets annoncés en France concernent principalement - c'est de bon augure - les aspects nouveaux de la machine: création de bande dessinées, préparation de scénarios de films, animation graphique, commandes de vidéodisques interactifs, commande de synthétiseurs. Bien entendu, il y a plus de projets qu'il n'y aura de produits commercialisés mais c'est la loi pour toute nouvelle machine.

L'Amiga est sans aucun doute un ordinateur qui innove. Ses caractéristiques, en particulier dans le domaine du son et de l'animation graphique, sont uniques. Son prix, moins de 20 000 F pour une configuration couleur complète est incontestablement avantageux comparé aux caractéristiques de l'IBM PC, du Macintosh d'Apple, voire - mais l'avantage est moins net - du 520 ST d'Atari. Reste qu'il n'y a que l'électronique qui compte. Il est difficile d'évaluer la taille du marché nouveau que l'Amiga peut ouvrir tant qu'on aura pas vu se constituer une bibliothèque de logiciels innovateurs.

Seymour DINNEMATIN

Le point de vue de l'expert: TROIS PROCESSEURS QUI FONT DES MIRACLES

Une fois ouvert l'Amiga, on découvre une seule carte électronique qui fait toute la surface du coffret. Parmi les divers circuits, on repère sans mal l'énorme microprocesseur Motorola 68000. on remarque aussi sur la carte les trois circuits intégrés spéciaux, qui sont la grande originalité de la machine. En plus, ils ont des noms charmants: Agnus, Denise et Paula (d'autres noms ont circulé auparavant: ceux-là sont les définitifs, confirmés par leur créateur). Ces trois circuits ont été créés pour soulager le microprocesseur Motorola. En ce sens, on eut les considérer comme des co-processeurs. bien que leurs attributions soient différentes, ils rassemblent les fonctions d'une seule grande puce, qui s'occuperait de l'ensemble des entrées-sorties . Agnus se charge plus particulièrement de l'animation des figures sur l'écran, ce qui se traduit par des manipulations d'adresses sur la partie de la mémoire réservée à l'affichage.

L'intérieur de l'Amiga: sur la carte de base, on distingue les trois processeurs spéciaux qui gèrent les périphériques et le graphisme.

Le mouvement d'un objet complexe sur l'écran et la régénération du fond est automatiquement prise en compte. Denise est le processeur qui s'occupe de l'affichage sur l'écran. Cela veut dire que Denise choisit les plans qui seront effectivement affichés. En plus, Denise gère les "sprites", ces motifs colorés programmables qui se déplacent. Cette gestion est extrêmement complexe, puisque Denise peut détecter la collision de deux motifs graphiques. Cette collision gère une interruption qui peut être prise en compte ou non par le programme. Enfin Paula gère le son et le lecteur de disquettes et reçoit les signaux de la souris et des autres interfaces. L'avantage de ces circuits intégrés spécialisés est de décharger le microprocesseur des tâches subalternes. Cela permet des programmes plus complexes: par exemple une image animée peut se déplacer sur l'écran en même temps qu'un son complexe est émis et qu'un calcul soit effectué. Cette philosophie est exactement l'inverse de celle du Macintosh, dont le microprocesseur gère absolument tout dans la machine, y compris l'affichage sur l'écran et la vitesse de rotation des lecteurs de disquettes. La gestion de la mémoire de l'écran est particulière. Cette mémoire est organisée en plans de mémoire; selon la résolution choisie, un ou plusieurs plans sont activés. Chaque point de l'écran est donc représenté par par plusieurs bits dans différents plans de mémoire. La combinaison de ces bits donne une valeur binaire. A chaque valeur correspond une couleur. Mais la grande astuce est la suivante: la table de correspondance entre valeur binaire et couleur est elle-même dynamique, et la modification de la table de correspondance est pratiquement instantanée.

Pour prendre un exemple, la haute définition graphique donne 640 points par 400 avec 16 couleurs choisies parmi 4096. Par permutation rapide des couleurs de la palette, on obtient de très beaux effets d'animation. En fait, il existe également un mode graphique dit HAM (Hold And Modify, blocage et modification), qui permet d'afficher les 4096 couleurs possibles avec la plus haute définition graphique. Dans ce mode, il existe pourtant des contraintes sur les couleurs de points consécutifs: le mode HAM s'utilise en particulier pour les dessins qui comportent des dégradés. L'organisation des graphiques est extrêmement sophistiquée: il est possible de travailler simultanément sur deux plans de définition différente, le passage d'un plan à un autre étant commandé par la souris. Avec un périphérique annoncé par Commodore, on pourra introduire des images vidéos numérisées, qui pourront ensuite subir tous les traitement imaginables. Malheureusement pour les utilisateurs européens de l'Amiga, cette opération n'est possible qu'avec des images au standard américain de télévision NTSC. La conversion aux normes de télévisions européennes sera certainement difficile. La sortie vidéo PAL est annoncée, mais aucune date n'est donnée pour l'instant. Quant à la sortie SECAM, qui permettrait d'utiliser un téléviseur français ordinaire comme écran, il vaut mieux ne pas trop y compter.

Source: Science & Vie Micro N°24 Janvier 1986