La console AMIGA CD32 de Commodore.



Des machines à boutons sans boutons

Monument de la micro-informatique de loisir, voire même de l'informatique tout court, Commodore est aujourd'hui un nom qui a disparu. Et pourtant, il fut un temps ou cette marque, créée en 1955, était synonyme de succès et de ventes phénoménales : Vic 20, C64, et Amiga 500, pour ne reprendre que les plus connus, sont autant d'ordinateurs qui ont su marquer une génération d'utilisateurs. En revanche, ce que l'on connaît peut être un peu moins, c'est le passé "consoleux" de ce fabricant. Tout commence en septembre 1990 avec la commercialisation, en Grande Bretagne uniquement, d'une machine répondant au doux patronyme de C64 GS (pour Game System). La bête est en fait un simple Commodore 64 (technologie de 1982) dépourvue de clavier et ayant comme principal objectif l'occupation du marché face à la menace représentée par Amstrad et sa fameuse, ou fumeuse, GX4000.


Pour son C64 déguisé (à gauche), Commodore a oublié un détail : nous sommes en 1990. Le fabricant US tente alors de concurrencer Philips et son CDi : sous des allures de machine multimédia, le CDTV, clone d'Amiga 500 que la photo ci-dessus (droite) montre avec ses accessoires, rejoindra rapidement son aîné dans le caveau familial.

Inutile de vous préciser que ce revenant va précipitamment allonger la longue liste des systèmes mort-nés. Loin d'être découragé par ce flop, la société se penche alors sur la conception d'un nouveau produit. Elle accouche d'un système révolutionnaire, selon ses dires, et met en vente courant 1991, le CDTV (pour Commodore Dynamic Total Vision). Architecturée sur la base de l'Amiga 500, l'appareil copie le concept du célèbre standard hollandais, le CDi. Un prix exorbitant et une absence gênante de logiciels marquants le dirigeront tout droit vers la casse. En cette année 1992, la stratégie inadaptée de la firme envers sa gamme de micro-ordinateurs combinée à la concurrence exacerbée des consoles et autres PC précipitent les comptes de la société dans le rouge. Néanmoins, la commercialisation récente de l'Amiga 1200 semble redonner une lueur d'espoir au célèbre manufacturier américain...

Copier/coller

Ces deux expériences malheureuses laissent cependant entrevoir la stratégie de Commodore en ce qui concerne les consoles ou autres engins multimachins : on récupère la technologie développée pour les micros en se contentant ensuite de recarrosser le tout pour lui donner un look plus adapté au secteur visé. C'est tout naturellement sur cet axiome des plus primitifs qu'est envisagé le prochain système orienté jeu vidéo de la marque. L'avantage de ce principe, outre son faible coût, est sa rapidité de mise en oeuvre. Démonstration : l'idée de remplacer le CDTV par une machine 32-bits germe durant l'été 1992. La société contacte alors les principaux développeurs britanniques du support Amiga. Le dialogue de cette table ronde peut se résumer en quelques phrases :
- « Nous proposons cette technologie (Amiga 1200), que désirez-vous ? »
Les studios de développement sont unanimes :, « Ce sera une console 32 bits basée sur le CD-ROM. Son prix correspondra à celui des 16-bits aujourd'hui ».


L'Amiga CDC (pour CD Console) est une représentation, lancée en février 1993 par le magazine Amiga Format, de ce que devrait être une éventuelle console Commodore. Les spécifications souhaitées sont alors les suivantes : microprocesseur 68020, chipset AGA et 2 Mo de RAM en standard. Coïncidence, fuites ou prémonition ?

Les spécifications du projet sont établies en septembre et le développement débute en octobre. En 1993, tout s'accélère. La fin du mois de février voit l'envoi de 15 prototypes aux développeurs, les premières rumeurs au sujet de l'existence d'une console de jeux Commodore commençant en mai. On y apprend que le CD-Amiga, tel est alors son nom, est basé sur un microprocesseur 68EC020 (comme l'Amiga 1200) et que son prix serait inférieur à 2000f/300€. Ces bruits de couloirs sont confirmés le mois suivant, la commercialisation mondiale de l'appareil étant prévue pour septembre 1993...



De la présentation...


L'Amiga CD 32 est enfin dévoilée lors d'une conférence de presse durant l'été 1993. Ses caractéristiques techniques sont, comme prévu, identiques à celle de l'Amiga 1200 : microprocesseur Motorola 68EC020 32-bits cadencé à 14 Mhz, jeu de co-processeurs AGA (Advanced Graphics Architecture) épaulé par 2 co-processeurs accélérateurs. Palette de 16,8 millions de couleurs dont 256.000 affichables simultanément pour une résolution maximale de 1280X512 en mode multisynchro.


Présentation de la première, selon Commodore, console 32 bits : les démos sont impressionnantes et laissent augurer du meilleur pour l'avenir.

Son lecteur CD-Rom débite 300Ko/s (2x). Ses capacités mémoires sont de 2 Mo de RAM, 1Mo de ROM dans lequel est stocké l'AmigaDOS 3.1 et 1 Ko de RAM flash. Le son est bien entendu stéréo qualité CD (44,1 kHz) sur 4 voies. Côté entrées/sorties, la bête se trouve être bien pourvue : 2 ports pad, connecteurs pour module FMV et auxiliaire, les classiques S-Vidéo, prise antenne, casque et stéréo RCA. Les programmes conçus pour le CDTV, les CD Audio, CD Photo, CD+G et, évidemment, standard Amiga CD 32 sont pris en charge par le système. Un poids de 1,44 Kg et des dimensions de 21,2 X 31,1 X 8,1 cm viennent clôturer la partie technique. Avec cette console, la firme américaine compte s'emparer de parts de marchés comprise entre 7 et 10%...


Pour les techniciens en herbe : le circuit imprimé inférieur et ses 3 principaux co-processeurs.


Détail de l'Amiga CD32 : malgré le positionnement console affiché par son constructeur, le système semble vouloir tâter du multimédia.



Voici les divers écrans de l'interface : accueil, CD Audio, paramétrage de la langue et verrouillage des sauvegardes éventuelles.



Robocod (James Pond II), Pinball Fantasies, Zool et Oscar représentent le fer de lance ludique du système. Les prix souhaités par Commodore s'échelonnent entre 250F/37,5€ et 350f/52,5€. A noter que les royalties sont nettement inférieures à celle de la concurrence, la marque n'interférant aucunement dans le processus de développement et la fabrication du software.


...à la mise au pilon

La commercialisation mondiale prévue à l'origine laisse finalement place à une sortie uniquement européenne. La raison ? L'entreprise, en régression depuis quelques années déjà, n'a tout simplement plus les fonds nécessaires pour assurer un tel lancement. L'approvisionnement des linéaires du vieux continent commence donc dès le mois d'août 93, la mise en vente du système, accompagné de 2 jeux (Oscar et Diggers), étant prévue pour le 15 septembre à un prix de 2490f/375€. A cette époque, Commodore, quatrième constructeur mondial, est relativement bien représenté dans les médias : campagne télé, affichage, évènements sportifs, magazines dédiés...




Magazines dédiés, spots télés, sponsoring d'évènements sportifs, d'équipes de foot... Commodore est une marque bien implantée dans les esprits européens. Pour l'anecdote, la firme ira jusqu'à afficher, en face du bureau londonien de Sega, le slogan « il faudra attendre longtemps pour que Sega fasse aussi bien que la CD 32 ». Excellent.

La machine s'empare donc de la première position sur son segment, le Mega-CD de Sega et le CDI, ses principaux concurrents du moment, se voyant inexorablement distancer par la console US. Malheureusement, le marché console européen, après avoir culminé en 1992, est maintenant en pleine décrue : les ventes de l'année 1993 se révèlent inférieur aux prévisions d'environ 40%. L'entreprise, déjà fragilisée par des perte de 350 millions de dollars subie ces 2 dernières années, ne peut guère continuer plus longtemps. Les filiales ferment les unes après les autres : Suède, Belgique, France... Le couperet tombe le 29 avril 1994 lors de l'annonce de la faillite de Commodore. On peut alors croire que le marché de l'Amiga CD32 va s'effondrer d'un seul bloc, mais il n'en sera rien. Un vent d'espoir prodigué par le plus puissant de ses importateurs vient prolonger l'existence du système...


Il y a une (courte) vie après la mort

Il faut en effet savoir que, contrairement à ses concurrents, Commodore délègue la commercialisation de ses produits dans certains à entreprises "indépendantes'. La plus dynamique d'entre elles, Commodore Angleterre, continue donc d'écouler les stocks de CD32 avec un certain dynamisme. Rien d'étonnant à cela, l'Amiga ayant toujours bénéficié d'une excellente représentation outre Manche. Dans le même ordre d'idée, les jeux et autres périphériques continuent à être commercialisés de manières régulières. Certes, aucune publicité ne vient soutenir les produits mais les amateurs de cette machine pourront encore s'approvisionner durant de long mois. L'échéance de Noël 94 vient malheureusement mettre fin au bonheur de ce joyeux petit monde : malgré de nombreuses rumeurs de rachats, personne ne fait redémarrer les usines. Les stocks n'étant pas éternels, l'Amiga CD32 est enterrée définitivement à la fin du premier trimestre 1995.



Les 3 premiers packs, qui ne vous sont certainement pas inconnus, ont été commercialisés par la maison mère. Ils comprennent les jeux Oscar et Diggers pour le premier, complété par Wing Commander et Dangerous Street pour le second. Le troisième comprend les jeux du second auxquels viennent s'ajouter Microcosm et Chaos Engine. Le dernier pack, commercialisé par Commodore Angleterre pour liquider les stocks, est le meilleur de tous : Oscar, Diggers, Cannon Fodder, Liberation, Microcosm, Projet X et Ultimate Body Blows. Un excellent panel de la logithèque de l'Amiga CD32.

Plastique classique


Une carrosserie qui ne restera pas dans les annales.

Pour l'aspect, force est de constater que le célèbre fabricant US a plutôt bien réussi son coup : sobre et futuriste à la fois, l'objet se révèle être aussi des plus compacts tout en donnant une impression, toute relative, de solidité. La machine est, si l'on fait toutefois abstraction des ports manettes, vraiment agréable à l'usage. Il est cependant dommage que l'alimentation n'ait pas été intégrée à l'ensemble, ce qui lui aurait probablement donné des proportions bien plus volumineuses. Signalons que la couleur anthracite donne à la console un aspect des plus avant-gardiste.

Un mot au sujet du pad : avec ses boutons tout droit sortis de la SNES (4 de couleurs et un Start en face avant ainsi que les traditionnels L & R sur les côtés) et son look emprunté à une "manette de Boeing', il se caractérise par une très bonne ergonomie mais une solidité... discutable. La croix de direction a tendance à rapidement rendre l'âme lors des parties trop "appuyées". Le câble est d'une longueur honorable, ce qui est bien pratique pour jouer sous la douche. Terminons en précisons que les symboles de commande CD Audio (Pause, Avance rapide...) sont visibles sur le pad, moulés dans le plastique, ce qui se trouve être bien pratique lors de l'écoute de vos CD Audio.


La manette officielle : la fragilité de sa croix de direction en fait un modèle peu fiable (les braves ayant eu le courage de terminer Microcosm comprendront). En contrepartie, ses symboles CD-Audio moulés et son bouton principal surdimensionné lui confèrent une certaine originalité.


Upgrade

Pour les options, l'Amiga CD 32 est un cas à part : une carrière éclair mais un nombre d'accessoires, dont certains des plus originaux, assez impressionnant. Si officiellement il n'y rien de surprenant, il en va tout autrement de ceux lancés par une multitude de petites sociétés.



La cartouche FMV : elle permet la lecture des programmes de type Vidéo-CD. Contrairement à son homologue hollandais dans le cas du CDi, Commodore n'a malheureusement jamais cherché à développer les softs tirant partie de cette carte.


Une manette de type Megadrive : tir automatique et ralenti sont de la partie. Nettement supérieure à l'originale.




La Cubo CD32 n'est rien d'autre qu'une CD 32 pouvant être reliée, par l'intermédiaire de 2 cartes électroniques, à un connecteur Jamma (utilisé dans les salles d'arcades). Les jeux spécialement conçus pour cet accessoire sont, à ma connaissance, au nombre de 2 : Candy Puzzle (photo), un Puzzle Bobble-like et Lazer Quizz, un quizz comprenant plus de 10.000 questions. A noter que ces 2 programmes tournent parfaitement sur la console d'origine, les cartes n'étant présente que pour relier la machine au connecteur Jamma et aux manettes de la borne.




Grâce à ce type d'accessoire, votre console se transforme en Amiga 1200 : ports pour lecteur de disquettes, imprimante... Certains de ces modules ont été commercialisés bien après la mort de Commodore, preuve que le marché de l'Amiga CD32 a continué de vivoter pendant de long mois.


Je veux des jeux

Fort de ses origines micros, la ludothèque de cette soi-disant première console 32-bits ne comporte quasi-exclusivement que des adaptations de la gamme Amiga. S'il est vrai que cette dernière peut se targuer d'excellents titres, elle ne possède malheureusement aucuns soft capables de nous faire ressentir un changement technologique important. Mais où sont donc passés les fameux 32-bits, fièrement annoncés sur le capot de la machine, qui auraient dû transformer les Megadrive et autres 16-bits en antiquités néandertaliennes ? De plus, l'Europe étant le plus gros marché des ordinateurs 16-bits de Commodore, les éditeurs ne seront bien évidemment que d'origine occidentale. Exit les adaptations de jeux d'arcade et autres séries nippones... Mais si vous savez faire abstraction de ces quelques défauts, à vous les joies de jeux variés et parfois typiquement micro : plate-forme (Brian The Lion...), rôle (Whale's Voyage...), shoot'em-up (Microcosm...), gestion (Theme Park...), sport (Nick Faldo's Golf Championship...), space opera (Wing Commander...), aventure (Simon The Sorcerer...), simulation (Gunship 2000...), beat'em-up (Ultimate Body Blows...) et j'en oublie probablement. Il est amusant de constater que, tout comme pour les micros, des compilations de 2 à 10 jeux sont disponibles sur le support. Les éditeurs se distinguant sur la console sont évidemment britanniques : Microprose et Psygnosis pouvant être considérés comme les plus grands. Si tout cela vous met en appétit, il ne vous reste qu'à vous rabattre sur l'émulation, des logiciels comme Project 32 ou Akiko devant normalement exaucer vos voeux...


Quelques incontournables...



Un des piliers du standard Amiga revisité pour la CD32 : malgré une réalisation revue à la hausse, le soft accuse son âge et la difficulté brille par son absence. Un très bon jeu quand même.


Une animation sans faille combinée à des graphismes soignés, à des bruitages réalistes et à une maniabilité adaptée au paddle CD32 sont l'apanage de cette simulation d'hélicoptère. Que demander de plus ? Un package original ? Et bien c'est fait.



Package de luxe et intro en images de synthèse : cette adaptation qui mélange habilement la gestion et l'arcade à un brin d'aventure se trouve être un des meilleurs jeu sur cette console.



Microcosm : plus qu'un jeu, ce soft fait figure de véritable vitrine technologique pour la console américaine. Malheureusement, le gameplay limité et la difficulté trop élevée de ce shoot'em-up contribueront à lui faire perdre la place d'honneur au panthéon des jeux CDV.



Faite chauffer vos neurones, voici un soft de gestion/stratégie au tour par tour. L'invasion de la planète par de méchants aliens est prétexte à un des meilleurs jeux de Microprose. Cette version n'apporte, une fois encore, rien de plus par rapport à son homologue micro.



Si la gestion d'un parc d'attractions a toujours été votre rêve, Theme Park est fait pour vous : de la quantité de sel dans les frites au développement de vos nouvelles attractions, tout y est. Seul problème, la mémoire de la console n'étant que de 1Ko, il ne faut pas oublier de la vider avant chaque partie. Le soft squattant immanquablement tout l'espace. Identique à l'Amiga 1200.



Rien que pour Alien Breed Special Edition, cette compilation vaut son pesant de cacahuètes. Un shoot'em-up et un Solomon's Keys like pour ces portages de l'Amiga 500, excellents au demeurant.


Conclusions

Avec l'Amiga CD32, Commodore a enfin frappé un grand coup sur le marché des consoles : une machine 32-bits mise en vente à un prix démocratique et soutenue par un grand nombre de programmes. Malheureusement, handicapée par les lourdes pertes acquises lors des 2 années précédentes, la société n'a tout simplement pas eu les moyens pour assurer à son système une commercialisation digne de ce nom. Pour couronner le tout le marché européen, son unique terrain de jeu, qui culminait en 1992, est entré en forte récession dès l'automne suivant, au moment où la console est sortie. De plus, la compatibilité avec la gamme Amiga apparaît d'avantage comme un boulet que comme une force : les éditeurs en profiteront pour éditer des jeux identiques à leurs homologues 1200 ou même 500. Seul Microcosm nous aura offert une vision des réelles capacités de la bête. Il est amusant d'observer que c'est sur cette machine, cadette des produits la marque, que reposait l'avenir de Commodore, cette console dépendant elle-même des quelques éditeurs développant sur le support... Si le cœur vous en dit, l'Amiga CD32 se négocie encore aisément sur le réseau à des prix plus que raisonnables, sa logithèque comptant de nombreux jeux bien agréables. On peut trouver sur le net des isos permettant de graver des compilations de jeux Amiga exécutables sur CD32. Avec des dizaines de jeux sur un seul CD, des temps de chargement négligeables, retrouver ainsi la ludothèque de cette fabuleuse machine constitue le rêve de tout retro-gamer qui se respecte.


Article provenant de Grospixels.com (un site à visiter absoluement !!! ;-)) et rédigé par Marc G.