Aux origines du Pixel-Art

Ma petite expérience dans le monde des gros pixels

Le Pixel-Art est une passion que je nourri depuis le premier jour où j'ai posé les doigts sur un micro.
Et malgré le temps qui passe, mon attirance pour ces gros carrés bigarrés est toujours aussi vivace.
Ainsi, avant que ma mémoire ne l'engloutisse à jamais, j'ai décidé de coucher ici ma petite histoire du Pixel-Art, telle que je l'ai vécu.

Mais avant tout, commençons par le commencement avec quelques menues définitions de circonstance :

1) LA PREHISTOIRE avec le VG5000

Tout a commencé en 1984, lorsque je reçois un VG5000 Philips pour Noël.
A cette époque reculée de l'informatique, les technologies qui charpentent nos micro-ordinateurs sont pour le moins frèlent et balbutiantes.
Et afficher ne serait-ce que quelques pixels à l'écran relève plus de l'exploi que de la simple formalité.

Le VG5000, c'est ceci :

Ce micro-ordinateur offre alors une résolution de 320x250 pixels, somme toute assez classique pour l'époque :

Très peu de couleurs (8) et, surtout, de grosses lacunes dans le domaine de l'affichage graphique...

Voyons donc de plus près la gestion de l'écran sur VG5000...

Ci-dessous, un écran vierge en 320x250 :


Pour replacer la taille de cet écran dans son contexte, voici ci-dessous une illustration dans laquelle un écran de 320x250 (en bleu) a été incrusté dans un écran HD contemporain 1080p (en violet).

Oui, 320x250 c'est tout petit... :)
Mais voyons à présent ce qui compose un écran VG5000.

Sur VG 5000, un écran est composé de 40 caractères horizontaux sur 25 caractère verticaux, soit un total de 1000 caractères :

Et, enfin, chaque caractère est composé de 8 pixels verticaux sur 10 pixels verticaux :

En résumé, un écran de VG 5000 est composé, au total, de 80000 pixels :

Fort de ces informations, penchons nous maintenant sur la méthode employée par les utilisateurs de VG 5000 pour dessiner sur leur machine. :)

Tout d'abord, comme nous l'indique Mr Pixel en bas à droite de l'illustration ci-dessous, il faut se munir d'une feuille de papier sur laquelle on reproduit un caractère de 8x10 pixels :

Le VG 5000 n'étant pas très puissant, il faut minimiser les informations complexes à traiter.
De ce fait, nous "divisons par deux" les informations qui seront contenues dans ce caractère en y déterminant (virtuellement) 2 zones distinctes :

Comme à un moment donné il va falloir aborder un peu de mathématiques, nous inscrivons quelques chiffres précis au-dessus de ce caractère :

Vient enfin la phase tant attendue de la création graphique !
On se muni de son crayon et on gribouille :

Maintenant que notre incommensurable talent de graphiste s'est largement exprimé sur le papier, il faut trouver le moyen d'injecter et faire "digérer" notre oeuvre à la machine :

C'est à ce moment que les chiffres inscrits précédemment sur notre feuille de papier révellent leur fonction !
En effet, en additionnant les valeurs de toutes les cases occupées par un pixels noirci, on obtient un nombre pour chaque ligne de chaque zone, que nous allons pouvoir injecter à l'ordinateur.

Par exemple, sur l'illustration ci-dessous :
La première ligne de la zone 1 vaut "0" car aucun pixel noirci n'y est présent
La seconde ligne vaut "1" car il y a un pixel noirci dans la colonne "1".
La troisième ligne vaut "2" car il y a un pixel noirci dans la colonne "2"
La quatrième ligne vaut "3" car il y a un pixel noirci dans la colonne "1" et un autre dans la colonne "2" (1+2=3)
Aini de suite...
...jusqu'à "15" qui représente la somme maximale (8+4+2+1) correspondant à des pixels noircis présents dans toutes les colonne d'une ligne d'une zone.

 

A ce stade, nous pouvons penser que nous détenons enfin le code mathématique de notre caractère.
C'est vrai... mais pas tout à fait....
En effet, toujours dans l'optique de ménager la faible puissance de notre VG 5000, nous allons devoir faire en sorte que les sommes calculées précédemment ne dépassent pas une décimale... et donc trouver une solution alternative pour les sommes de 10 à 15.


Il faut alors avoir recours aux système hexadécimal, qui à la particularité de basculer sur les lettres de l'alphabet après le chiffre 9 (voir ci-dessous) :

Ainsi, grace au système Hexadécimal, nous pouvons substituer des lettres aux grandes sommes (de 10 à 15 donc) :

Pour, ENFIN, obtenir notre code final :

A ce stade, nous avons enfin retranscrit le petit dessin que nous avions griffoné sur notre feuille papier en code informatique intelligible pour le VG5000 !
YOUPIIIIIIIIIIII !!! :)

Maintenant que nous savons le faire, retranscrivons mathématiquement un dessin un poil plus esthétique.
Oui, il est beau mon robot ! :)

Si vous avez été bien attentif aux explications précédentes, alors vous devriez aboutir à ce résultat :

A présent, il faut injecter ce code à l'ordinateur car, je le rappelle, nous sommes toujours sur une feuille de papier à cet instant précis.
Et la seule manière d'y parvenir est d'utiliser la programmation ...
... et donc le BASIC qui nous offre la seule possibilité d'interagir avec l'ordinateur en lui permettant d'interpreter ce qu'on lui ordonne de faire.

Je vous ai épargné la partie de l'histoire où l'on parcours de long en large le manuel de l'utilisateur du VG 5000 à la recherche des commandes et instructions BASIC adéquates, et vous livre donc le programme "tout cuit" qu'il faut saisir pour afficher notre petit robot à l'écran.


Vous pourrez toutefois suivre l'explication, pas à pas, de son fonctionnement ci-dessous :

Après exécution de notre petit programme nous obtenons ceci à l'écran :

TADAAAAAAAAAAAAAA !!!
Ca y est, après avoir quelque peu trimé, nous sommes ENFIN parvenu à faire du pixel-art (certes, ultra primitif) sur notre VG5000 !

Et une fois la technique maitrisée, il est alors tout à fait possible de créer des oeuvres plus conséquentes en redéfinissant plusieurs carcatères,
comme ci-dessous, avec ce personnage composé de 4 caractères assemblés :

Et lorsqu'on est très à l'aise avec la technique, il est alors possible de produire de magnifiques écrans sur VG5000, tels que celui-ci :

Pour bien saisir le travail conséquent qu'a requis cette illustration, voici une vue "éclatée" avec un focus sur une zone précise.
On voit bien que l'image est composée d'une multitude de caractères différents.
Et que chaque caractère n'affiche que deux couleurs à la fois (une contrainte du VG5000 que nous n'avions pas encore évoquée) :

Pour aider l'utlisateur à donner corps à ses envolées créatives, un logiciel de dessin baptisé "Salut l'artiste" a ensuite été édité sur VG5000.
Mais son cruel manque d'ergonomie (interface peu intuitive, déplacement au clavier, etc.) ne lui a clairement pas procuré le succès escompté :

2) Le MOYEN-AGE avec l'Amstrad CPC

Après le VG5000, est venu pour moi le temps de l'Amstrad CPC !

Et un Amstrad CPC, c'est ceci :

Coté résolution, on remarque tout de suite que c'est plus fourni !
Et avec ses 27 couleurs, la palette de l'Amstrad est incontestablement plus généreuse que celle du VG5000.

A l'image du VG5000, l'Amstrad CPC embarque un BASIC permettant, lui aussi, de redéfinir des caractères graphiques.
Mais ce n'est pas tout puisqu'il propose également des instructions BASIC permettant d'afficher des pixels, de tracer des lignes ou encore de remplir des surface directement à l'écran, sans avoir recours à l'utilisation des caractères ! Enfin, son hardware plus performant lui permet de s'affranchir des zones et du systeme Hexadécimal lors du calcul du code d'un caractère ! Bref, c'est le paradis ! :)

Voici un petit résumé :

 


S'il est ainsi possible de dessiner sur Amstrad CPC via le BASIC tout comme sur VG5000, la machine au croco a cependant la chance de bénéficier d'une logithèque gargantuesque au sein de laquelle on trouve quelques logiciels de graphismes plutôt interessants (à des années lumières de l'archaique "Salut l'Artiste" !)


Et s'il ne faut en retenir qu'un seul, c'est bien THE ADVANCED OCP ART STUDIO :

Sorti en 1986, le logiciel avance des atouts pour le moins sympathiques. Doté de menus déroulants permettant d'accéder aux outils de manipulation graphique de base, The Advanced OCP Art Studio offre enfin à l'utilisateur, la possibilité de s'affranchir de la programmation rébarbative ! Désormais, il est possible de dessiner directement à l'écran comme on le ferait sur une feuille !

Avec The Advanced OCP Art Studio, le Pixel-Art devient enfin une discipline attrayante. Le gain de temps est considérable et la convivialité de l'interface simplifie grandement les opérations.

Et lorsque l'on maitrise ses fonctions, il devient alors possible de réaliser de magnifiques compositions, comme en témoignent ces écrans :

3) La RENAISSANCE avec l'Amiga

Après l'Amstrad CPC, c'est au tour de l'Amiga de faire son entrée dans ma chaumière...
Et pour le plus grand plaisir de ma créativité, la machine se veut (entre autres) ultra puissante dans le domaine du graphisme.
Avec une palette extrêmement riche et de nombreuses résolutions (dont certaines, très hautes, arrivent avec l'adjonction de cartes d'extension) selon le modèle, l'Amiga est clairement taillé pour le Pixel Art !

Si l'Amiga possède un BASIC, ce n'est certainement pas vers lui que nous allons nous tourner pour réaliser du Pixel-Art !
D'autant plus que sa logithèque à l'avantage de proposer un logiciel extraordianire : DELUXE PAINT
De 1985 à 1995, ce programme connaitra 5 versions toujours plus puissantes.

Ici, les menus déroulants cottoient désormais une barre d'outils qui deviendra, par la suite, une véritable norme.
Pratique, convivial, intuitif, ergonomique... Deluxe Paint est une arme redoutable pour quiconque s'y penche dessus !


L'utilisateur a désormais tout ce qu'il faut pour réaliser de magnifiques oeuvres d'art, comme en témoignent ces quelques écrans :


Lorsque Deluxe Paint s'éteint, sa trace laissée dans l'histoire du graphisme est si profonde qu'il constitue alors les bases sur lesquelles Photoshop s'appuie pour sa propre interface. Pour la petite histoire, certains raccourcis de Photoshop sont directement hérités de Deluxe Paint.

4) Le FUTUR avec le PC

Lorsqu'à la fin des années 90, le PC a supplanté les micros 16/32 bits tels que l'Amiga, nombreux ont été les logiciels de graphisme à voir le jour sur cette plateforme.
Et, même s'il fait indéniablement partie des plus populaires, Photoshop n'en est qu'un représentant parmi tant d'autres...

Aujourd'hui, ces logiciels font souvent figure de machines à gaz ultra complexes pour quiconque souhaite s'adonner au plaisir simple du Pixel-Art... La simplicité des logiciels d'antan a hélas cédé la place à un fonctionnement abscons qui necessite parfois jusqu'à la formation...

Fort heureusement, quelques programmes de graphisme plus "modestes", et souvent conçus gratuitement par de talentueux passionés, sortent du lot.
On peut ainsi citer "GrafX2", "GraphicsGale", "Piskel" ou encore "Aseprite".
Mais celui qui a immédiatement retenu mon attention, c'est MULTIPAINT !

Car, en plus de combiner une interface très proche de celles de nos bons vieux logiciels de graphisme, avec la convivialité de nos machines contemporaines, Multipaint a la particularité de proposer des modes graphiques respectant à la lettre les contraintes de résolutions et nombre de couleurs des micros d'antan :

Avec Multipaint, il est ainsi à nouveau possible de réaliser du Pixel-Art en toute simplicité, mais de façon toujours très agréable et intuitive ! :)

Et pour ceux qui ont eu le courage de lire mon texte jusqu'ici, je propose la version vidéo !
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