Full Metal Planete

1989 - Hitec/Cobrasoft - Infogrames

Ecran-titre Ingame

 

Cette boite a miraculeusement traversée les années dans son cellophane d'origine. Son acquisition est assez singulière puisque c'est Betrand Brocard (fondateur de Cobrasoft) en personne qui m'a envoyé cet exemplaire par la poste pour fêter l'inscription du 1000eme fan sur la page Facebook dédiée à la célèbre société de jeux vidéo ! Il avait lancé un petit concours à cette occasion qui demandait simplement de rédiger un petit "texte de motivation". Je fut donc l'un des heureux (et rares) élus à remporter la mise.

Ci-dessous, les clichés de la boite et de son contenu :

Extrait de la page Facebook de Betrand Brocard, voici l'histoire gorgée d'anecdote de la génèse de Full Metal Planet :

Après HMS Cobra, Full Métal Planète est la deuxième grosse production de l'équipe de Cobrasoft-Hitech productions dans le domaine de la stratégie.
Et cette adaptation fut encore l'occasion d'une approche originale avec des compléments novateurs.
Adaptation... oui car le produit d'origine est un "jeu plateau" édité par Ludodélire.
C'est à l'occasion des contacts pris pour éditer une adaptation de notre jeu "Les Ripoux" que j'ai rencontré Gérard Delfanti et Gérard Mathieu au salon du jouet en janvier 1987. Ils avaient déjà sévit avec un grand succès "Supergang". Tout de suite, nous avons eu des atomes crochus et le deal semblait possible.
L'univers, l'ambiance, l'histoire de cette lutte entre compagnies minières dans un décor de science-fiction, la présentation du jeu avec ces figurines en métal m'avait séduit.
C'était sans compter sur le "troisième homme", Pascal Trigaux, qui était co-auteur avec Delfanti et Mathieu. Je n'ai jamais compris quelle était la source de leur conflit mais force est de constater que c'était la guerre... et que Pascal Trigaux faisait tout ce qu'il pouvait pour bloquer les choses. J'avais réussi à le joindre et j'avais pris le soin d'enregistrer la conversation téléphonique "au cas où" tellement cela semblait conflictuel.
Finalement on a réussi à signer un contrat... sans doute parce que le contrat des auteurs donnait cette liberté à l'éditeur. Par la suite, la situation ne s'est pas améliorée. Et quand, plusieurs années plus tard, on a envisagé la création de "Full Métal Galaxy" un jeu de réseau massivement multi-joueurs... l'armistice n'était pas signé !

Restait encore à créer le logiciel.
Pour moi, il ne s'agissait pas d'utiliser seulement le titre et de programmer un jeu différent mais au contraire d'être fidèle à la règle du jeu à 100%.
Le challenge consistait à créer un système expert capable de jouer correctement pour proposer un adversaire coriace contre lequel il serait intéressant de se battre. Et même des adversaires car on pouvait jouer à quatre (humains ou ordinateurs).
C'est là que Roland Morla entre en scène pour créer, en langage machine évidemment, un moteur particulièrement efficace. Il le fallait car les possibilités de mouvements sur FMP sont bien plus complexes et nombreuses que dans un jeu d'échec. Le défi fut relevé !

Pour l'édition, le jeu sortirait sous label Infogrames mais il fallait encore le produire et ce fut l'occasion d'une première innovation : Le montage d'une coproduction sur le modèle du cinéma...

Avant d'évoquer le montage de la coproduction qui a été mise en place pour la création du jeu vidéo, un petit retour en arrière s'impose.
En effet, Dominique me signale, avec raison comme d'habitude, que tout le monde ne connait pas ce jeu et qu'une petite présentation serait bienvenue.
Alors, voici le "pitch" comme on ne disait pas alors...

"Une grande compagnie minière vous a recruté à prix d'or : il parait que vous êtes l'un des meilleurs pilotes à l'ouest de la galaxie... Aujourd'hui il va falloir le prouver.
Votre mission : poser votre astronef sur Full Métal Planète, ramasser un maximum de minerai, désintégrer ou capturer le coûteux matériel des compagnies adverses, et si possible vous emparer de leurs propres navettes, aux soutes pleines à craquer.
Allumez vos retro-fusées. Contact prévu dans 8 minutes 47 secondes". Cà c'est la version plateau.

On peut comparer avec le texte de la boite de la version informatique, à mon sens plus explicite.

"Full Metal planete. 8h54. Il va falloir prouver que vous êtes le meilleur pilote de la Cobra Steel Company...
Votre mission : poser votre astronef, ramasser un maximum de minerai, désintégrer ou capturerr le précieux matériel des compagnies adverses et décoller avant d'être englouti par la grande marée qui s'annonce !
Barges, vedettes, crabes transporteurs, chars d'assaut, pondeuse-météo, toute une armada d'acier trempé est à vos ordres. Contact prévu dans 50 secondes.
Action, combats, statégie et diplomatie dans un fantastique univers de science-fiction où s'affrontent jusqu'à 4 joueurs (humains ou robots)."

A noter que la boite est multilingue avec la traduction de ce texte en anglais et en allemand.
La possibilité de personnaliser le jeu grâce au "Graphic tool set" est signalée tout comme la présence d'une figurine en métal d'une Pondeuse météo (sticker en face avant).

Quand nous avons mis en chantier Full Métal Planète en 1988, Infogrames n'était pas encore rentré en bourse et le "cash" ne coulait pas à flot... Financer le développement du logiciel a été l'occasion pour moi de réaliser une idée de Bruno Bonnell : financer un jeu vidéo comme un film de cinéma.
Le principe d'une coproduction consiste à réunir des coproducteurs qui font des apports soit en numéraire, soit en industrie pour un montant qui permet d'obtenir des parts.
Lorsque le produit réalisé génère des revenus, ceux-ci sont répartis entre les coproducteurs au prorata des parts qu'ils possèdent.

Trouver des coproducteurs n'était pas évident. Nous n'avions pas Internet ni de réseaux sociaux, ni crowdfunding. Pour réussir cette première tentative qui devait servir de modèles pour d'autres logiciels, et comme j'étais pressé, je mis à contribution... la famille : mon beau-frère, ma tante, ma grand-mère paternelle et mon père...
Et c'est ainsi que Laurent Perrette, Juliette Waignier, Suzanne Brocard et Georges Brocard apparaissent dans les crédits de FMP qu'on trouve sur Internet, souvent comme auteurs !

Pour compléter ces personnes physiques, plusieurs personnes morales étaient également coproducteurs : Hitech Productions, Cobrasoft, Infogrames et Ludodélire.
La plupart du temps en apport en industrie. Par exemple, Ludodélire apportait la licence.

Un contrat de coproduction fut établi qui mentionnait les parts de chacun et les modalités de fonctionnement.
Il me désignait comme producteur délégué chargé de représenter les coproducteurs pour le fonctionnement quotidien : engagement des dépenses, comptabilité, rapports de suivi, etc.
Dès que j'aurais récupéré le dossier je pourrais donner des indications sur le montant de la production, le budget, le montant payé par l'éditeur (Infogrames) sur les ventes, le retour sur investissement.
Des informations intéressantes sur l'économie d'un jeu vidéo en 1990. Mais il faudra patienter !

Crédits
j'ai évoqué précédemment le travail de programmation de Roland Morla mais je n'avais pas encore cité les graphistes qui avaient fait le super travail d'adaptation qu'on peut voir sur les écrans publiés dans le post précédent.
Il s'agissait de Natalie Delance et Franck Drevon.
Pour la petite histoire, Natalie a trois enfants avec son compagnon, Dominik Fusina, l'autre graphiste d'Hitech Productions, qu'elle a rencontré dans les bureaux de Chalon...
Franck Drevon, lui, travaille toujours dans le graphisme et la communication après des années passées chez Infogrames puis des studios lyonnais de jeu vidéo.
Et pendant qu'on est dans la rubrique "Que sont-ils devenus ?"... Roland Morla, après la parenthèse Hitech Productions, est retourné chez France Télécom. Quand vous vous connectez sur Internet à très haut débit, c'est un peu grâce à lui que ça marche !

Cette petite équipe était complétée par un des musiciens attitrés d'Ere Informatique, Stéphane Picq, qui avait déjà travaillé avec nous pour Murders in Space.
Dans son palmarès, figurent les "bandes son" de Jumping Jackson, Kult, Purple Saturn day, Teenage Queen, Bubble Ghost... mais surtout Commander Blood, Lost Eden, Riverworld et Atlantis : The Lost Tales dont certaines ont été éditées en CD.

Continuons l'exploration des documents concernant Full Métal Planète avec le contrat de coproduction.

Merci à Philippe Vidal, responsable du Centre d'études de Cinémathèque de Bourgogne "Jean Douchet" où sont stockées actuellement une partie des archives de Cobrasoft d'avoir accepté de me scanner ce document.

On le trouvera en fac-similé à l'exception de la première page qui mentionne les adresses personnelles des coproducteurs.
A noter que le document, qui avait été saisi et imprimé sur un PCW 8512 Amstrad, était très compact puisqu'il comptait seulement 5 pages quand aujourd'hui le moindre contrat en comporte une vingtaine.

Le montant de la production indiqué est de 750 000 francs (150 smic bruts de l'époque). En valeur constante, cela correspondrait aujourd'hui à 220 000 €uros. Le prix d'une petite pré-prod !
Ce montant était divisé en 30 parts de 25 000 Francs. Cette somme représentant l'apport minimal de chaque coproducteurs. Un ticket de 7000 € en valeur constante ! Quand même.
Au final, ce ne sera pas le jackpot pour les investisseurs mais je ne me suis pas fâché avec ma famille car chacun a récupéré sa mise.

Ce document aura besoin d'être complété par le contrat de diffusion avec Infogrames pour connaitre le taux de royalties reversé par le distributeur.
Manifestement, c'est à ce niveau que la rétribution de la licence se faisait car dans le contrat de coproduction, contrairement à ce que je croyais, Ludodélire n'a qu'une seule part représentée par un apport en nature de "Conseil stratégique et de test".

Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur ce contrat qui avait été établi sans le conseil d'un cabinet juridique et qui visait surtout à régler les questions de répartition. La question de l'auteur est notamment complètement ignorée. J'obtiens quatre parts au titre de l'idée originale et du scénario de l'adaptation mais il n'y a pas de droits d'auteurs à proprement parler. C'était d'ailleurs la politique d'Infogrames qui a toujours considéré que les logiciels étaient des œuvres collectives comme le faisait Disney. Ce n'était pas ma position mais ce n'était pas négociable. Un sujet polémique et un débat qui reste ouvert !

La coproduction de logiciels ne s'est pas développée à l'époque mais la question est toujours d'actualité avec le renchérissement des coûts de production, les possibilités de crédit d'impôts, etc.
En 2010, sur le site de l'AFJV, un article de l'avocat Antoine Chéron évoquait "un modèle d'avenir".
Et le crowdfunding offre de nouvelles possibilités pour les petites productions.

Dès 1990 une version réseau de Full métal Planète a existé puisque cette fonctionnalité avait été rajoutée par la société Brainstorm qui avait réalisé la version Macintosh. Elle permettait à quatre joueurs de s'affronter via Appletalk (photo).

De notre côté, Olivier Enselme-Trichard, un des chefs de projets du Studio B, avait travaillé sur une version réseau en 1995 et proposé de décliner l'univers de Full Métal Planète. En 1996, il proposa une nouvelle version intitulée Full Métal Galaxie qui visait à créer un jeu massivement multijoueur :

"Les astronefs et pondeuses-météo reprennent du service pour conquérir cette fois une myriade de planètes gorgées de minerai, cachées quelque part dans les méandres d'Infonie*.
(...) Full Métal galaxie se présente comme un jeu de stratégie et d'action en réseau. Intentionnellement très simple d'accès pour le novice, il s'enrichit progressivement par le biais de nouvelles armes (le joueur va pouvoir implanter sur sa planète "cocoon" un ou plusieurs centres de recherche), et de nouveaux concepts (alliances ou moyens de désinformation) qui se développent au fur et à mesure que de nouvelles planètes et de nouvelles technologies sont découvertes."

Cette version ne fut jamais réalisée car les problèmes entre les co-auteurs du jeu plateau original n'étaitent pas résolus et Pascal Trigaux restait figé sur sa position de blocage empêchant tout nouveau contrat.

Le dossier Full Métal Galaxie comporte 40 pages. Avec les autres archives du jeu, il est à disposition des chercheurs intéressés par le sujet.

Une version en ligne existe aujourd'hui. Non officielle, elle a été créée il y a quelques années en code open-source et est accessible gratuitement bien sûr. C'est à ma connaissance le seul moyen de jouer à Full Métal Planète en ligne.