Très
actif sur la scène Amiga, Eric Cubizolle (Titan) s'est aimablement
livré à Ultimate Amiga afin de nous dévoiler sa fabuleuse nostalgie
envers notre machine de cœur ainsi que ses projets entrepris et...à
venir.Bonjour Titan, passage obligatoire, peux-tu te présenter à nos lecteurs ? Bonjour Olivier.
1,80
mètre, 72 Kilos, brun, yeux bleus, chaussant du 42 et de type
caucasien… derrière ce pseudonyme quelque peu emphatique, se cache en
réalité un incorrigible nostalgique de la période 8/16 bits qui ne perd
pas une seule occasion de se replonger dans ce glorieux passé
vidéoludique.
De mon véritable nom Eric Cubizolle, je suis
Webmaster du site AmigaMuseum et auteur/rédacteur aux éditions Pix’n
Love. J’aime à me définir tel un « archéologue du jeu
vidéo », toujours prompt à explorer l’histoire de nos généreux
pixels d’antan pour y déterrer un scoop ou un trésor numérique oublié.
Pour faire court, disons que j’ai approché la microinformatique tandis
qu’elle venait tout juste d’entrer à pas feutrés dans les chaumières
françaises, pour ne plus jamais m’en détourner.
Du VG5000
Philips à l’Amiga, en passant par l’Amstrad CPC, j’ai trouvé en cette
discipline un extraordinaire moyen d’exprimer sa créativité, que ce soit
par le biais du graphisme, de la musique, ou de la programmation.
Réalisation de Slide-Show, de modules musicaux, de jeux, de fanzines,
etc. : Je me suis essayé à tout ce que les machines pouvaient
offrir à l’époque en terme de possibilités.
Aujourd’hui,
afin de rendre hommage à cette époque bénie et innovante de la micro, je
mets régulièrement en chantier les projets Retrogaming qui me tiennent à
cœur. Ainsi, en l’an 2000, je crée AmigaMuseum, un site entièrement
dédié à l’Amiga et à son émulation. Je développe pour l’occasion
« Amiga Inside », un pack préconfiguré et prêt à l’emploi
permettant d’émuler tous types d’Amiga et ne nécessitant pas de passer
par de fastidieuses phases de configuration de WinUAE.
En
2002, avec l’aide de son Webmaster Fredo_L, et toujours dans une optique
de préservation du patrimoine vidéoludique, j’initie le « Projet
Tilt », qui deviendra par la suite
« Abandonware-magazines », une bibliothèque virtuelle
proposant en téléchargement libre les scans des pages de la presse
spécialisée de l’époque, à savoir celles de Tilt, Génération 4,
Joystick, etc… En 2003, je constitue une petite équipe dans le but de
concevoir « Beast 2003 » un remake HD du jeu Shadow of the
Beast. Hélas, malgré la mise en ligne de quelques préviews jouables, le
projet n’aboutira malheureusement pas.
En
2005 je réalise les « AmigaMuseum DVD », un coffret vidéo de 4
DVD dédiés aux animations et aux jeux Amiga que l’association
Retro-Gaming Connexion distribuera. En 2008, j’intègre l’équipe
rédactionnelle de Pix’n Love pour laquelle je rédige nombre d’articles
et écris « La Bible Amiga ». |
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Quels Amiga possèdes-tu et quelle utilisation en fais-tu ? Hélas,
plus aucun. S’il fut un temps, pas si lointain, où j’exposais fièrement
les différents modèles de la gamme sur l’étagère dédiée de ma demeure,
j’ai finalement dû me séparer de ce petit trésor pour des raisons de
place et à cause des aléas rebelles de la vie… Aujourd’hui, je me
contente de l’émulation, me confortant dans l’idée qu’avec le temps, le
matériel finit inéluctablement par disparaitre, contrairement à son
pendant numérique virtuel… Maigre consolation, me direz-vous.
Ceci
dit, je ne désespère pas de refaire l’acquisition un jour d’une console
Amiga CD32 ou d’un Amiga 1200 pour un prix raisonnable ! Sinon,
lorsque j’émule la bête de Commodore aujourd’hui, c’est principalement
pour jouer et capturer les écrans qui parsèmeront ensuite mes articles
dans le mook Pix’n Love.
Tu as conçus l'ouvrage "La Bible de l'Amiga" retraçant un fabuleux focus sur 1200 jeux; que retiens-tu de cette expérience ? Un
souvenir impérissable, doublée d’une expérience fantastique et
unique ! Pour quelqu’un comme moi qui voue un culte indéfectible à
la machine, autant dire que cet ouvrage est un véritable aboutissement.
Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance... En effet, pour tout vous
dire, avant que les pères fondateurs de Pix’n Love, Marc Petronille et
Sebastien Mirc, me proposent de chapeauter ce projet au détour de leur
stand à la Japan Touch de Lyon, je ne me sentais absolument pas la
capacité de me lancer dans une telle entreprise.
Il faut dire
que si je m’étais déjà chargé de la rédaction de pas mal d’articles, je
ne m’étais encore jamais lancé dans celle d’un livre ! La tâche me
paraissait alors insurmontable. Mais les deux sympathiques
compères ont su trouver les mots pour me convaincre. Ainsi, à force de
recherches dans les archives de Commodore, d’exploration dans les
souvenirs de ma propre expérience de la machine, d’interviews d’acteurs
de l’époque, et en m’entourant d’une petite équipe sympathique composée
d’une dizaine de doux dingues de l’Amiga me prêtant main forte dans la
rédaction des mini-tests, le projet a finalement pu se concrétiser.
Le
moment le plus fort de cette expérience reste toutefois le jour où j’ai
reçu la vidéo montrant les membres de l’équipe de Pix’n Love déballant
les cartons de Bible Amiga tout juste livrés et feuilletant quelques
exemplaires en affichant une expression de satisfaction. Le second fut
lorsque j’ai reçu par la suite mes propres exemplaires par la poste,
parmi lesquels se trouvait celui portant le numéro #0001".
Comment a t'il été accueilli, es-tu satisfait des ventes ?Les
lecteurs ont réservé un excellent accueil à la Bible Amiga, bien
au-delà de mes espérances même. Les chiffres parlent d’ailleurs
d’eux-mêmes : sur les 3000 exemplaires produits au total, 1000
trouvaient preneurs dès la première semaine de mise en vente. Il faut
dire que la version collector avec sa couverture rigide a, à mon grand
étonnement je l’avoue, grandement catalysés l’engouement et donc,
l’écoulement.
Ainsi parties en flèche, les ventes se sont
ensuite étalées de manière plus raisonnable, permettant d’écouler le
bouquin de façon continue et régulière tout au long des deux années qui
nous séparent de sa sortie, jusqu’à aujourd’hui où l’on estime le stock
de livres restant, à moins de 150 pièces. Inutile de préciser que je
suis très heureux de la tournure des choses.
Ceci dit, s'il
y a bien une chose que j'ai appris depuis que j'œuvre dans petit le
monde agité de la rédaction, c'est que malgré une vigilance de tous les
instants, il est quasiment impossible d'éditer un ouvrage exempt de
toute coquille du premier coup, ne serait-ce que par le nombre
conséquent d'étapes intermédiaires que subit le texte entre le moment où
il est écrit par son auteur jusqu'au moment de son impression.
Et
la Bible Amiga ne fait pas exception. Quelques petites coquilles, fort
heureusement mineures et en très faible nombre, ont ainsi hélas
filtrées. Mais j’ai l’ardent espoir d’avoir l’occasion de rééditer
prochainement un ouvrage corrigé et même, pourquoi, une version traduite
dans la langue de Shakespeare.
Tu produis également
différents remix de musiques de jeux, quelle approche entames-tu
et quel logiciel utilises-tu pour la composition ?La
musique et moi, c’est une longue histoire d’amour. Mais je dois
toutefois confesser que je suis un autodidacte absolu qui a eu la chance
d’approcher très humblement cette discipline grâce aux incontournable
Soundtracker (1987) Noisetracker (1989), et Protracker (1991) de
l’Amiga.
Frustré à l’époque de ne pouvoir retranscrire mes
émotions et inspirations à cause de mon ignorance du solfège et des
instruments, j’ai trouvé en ces trackers la possibilité providentielle
de composer facilement, sans avoir besoin de réelle connaissance de la
musique et de ses codes. Avec Protracker entre les mains, nous sommes
tous un peu musicien !
Pour la petite histoire, j’ai créé
en 1998 le premier volume de « Trance Mission », une compilation CD de
16 symphonies Techno-Trance entièrement composées sur Protracker. L’une
de mes compositions, Meerschaum, a par ailleurs été jouée en discothèque
durant l’été de cette même année. Par la suite, j’ai conçu un second
volume grâce à FastTracker 2 sur PC.
Aujourd’hui
j’œuvre sur ModPlug Tracker (rebaptisé OpenMPT en 2004) sous Windows
car il reprend, à la lettre, la philosophie des trackers Amiga, la
qualité sonore en sus. Capable d’exploiter des samples de haute
fréquence et proposant jusqu’à 127 canaux simultanés, ce petit prodige
de programmation jouit d’une convivialité exemplaire qui rend la
composition extrêmement intuitive.
Pour
composer un remix, j’emprunte généralement toujours le même
cheminement, la même méthode. Je charge tout d’abord le module de la
composition originale dans OpenMPT afin d’avoir une base et, surtout,
une partition de départ qui me permet de comprendre sa construction.
Ensuite je m’occupe d’améliorer le rendu des instruments en remplaçant
les samples Amiga originaux par des échantillons sonores qualité CD (44
Khz) provenant de véritables instruments ou synthétiseurs.
J’en
profite au passage pour enrichir la banque d’instruments. Enfin, je
triture le tout et compose au fil de mon inspiration.
Dernièrement,
je me suis affairé sur deux musiques de chargement du fabuleux shoot’em
up Amiga « Agony », de Psygnosis. Ces mélodies ayant la
particularité d’être extrêmement courtes (un à deux patterns tournant en
boucle seulement), elles laissent une très large place à la créativité
lors de l’élaboration d’un remix.
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D’une
manière générale, J’aime m’approprier un air court ou un thème qui me
plait ou qui m’a profondément marqué pour le détourner et le
métamorphoser en quelque chose d’autre. Mes penchants tendent
principalement vers les nappes et les rythmes relaxant de l’Ambiant ou
du Chill Out. C’est très personnel, mais je trouve que ces courants
musicaux installent une atmosphère immersive qui sied particulièrement
bien aux univers fantastiques et chimériques des jeux vidéo Amiga.
L'Amiga fête cet été ses 30 ans, te rappelles-tu de ce moment où tu l'as découvert pour la première fois ? Comme
si c’était hier… Les tous premiers contacts avec la machine de
Commodore se sont noués de manière virtuelle, par le biais des photos
d'écran de jeux qui parsemaient les pages des magazines spécialisés
d'alors (Génération 4, Joystick, Tilt et Micro News en tête). Pour moi,
qui possédais à cette époque un Amstrad CPC6128, contempler des
graphismes d'une telle perfection et d'une telle beauté ne faisait
qu'attiser toujours plus mon envie de posséder cet incroyable monstre de
technologie qu'était l'Amiga.
Je me souviens parfaitement du
jour où j'ai vu tourner un Amiga "en vrai" pour la toute première fois. A
cette époque, j'avais pour habitude de me rendre régulièrement chez un
ami avec qui je pratiquais sans retenue l'échange de "copies de
sauvegardes" (appelons-les ainsi
)
de jeux CPC. C'était la grande période Discology. Un beau jour, alors
que je venais une fois de plus remplir de logiciels les nombreux paquets
de disquettes 3 pouces achetées tout juste la veille, quelle ne fut pas
ma surprise de trouver en lieu et place de l'Amstrad CPC du copain, un
Amiga 500 flambant neuf !
Autant dire que le reste de
l'après-midi a été consacré à la découverte de l'extraordinaire univers
de l'Amiga, reléguant la copie de jeux Amstrad CPC aux ultimes minutes
de la journée. Une fois rentré chez moi, c'est encore les yeux pleins
d'étoiles et de pixels bigarrés que je testais, les unes après les
autres et sans grande conviction, tous les nouveaux jeux que je venais
de récupérer pour mon CPC. Mais malgré le flot de "hits" et autres
nouveautés qui s'agitaient sur son moniteur, mon petit 8 bits n'arrivait
décidément plus à me faire rêver tant l'expérience que je venais de
vivre avec l'Amiga me hantait désormais...
Tandis que ses
défilements ultra-fluides s'étaient définitivement incrustés sur mes
rétines, ses mélodies cristallines résonnaient encore dans mes tympans :
c'était décidé, il me fallait un Amiga à tout prix ! L'année qui
suivait, je revendais mon Amstrad CPC et faisait l'acquisition d'un
Amiga 500 Kickstart v1.3. Le tout premier jeu Amiga à avoir teinté les
pixels de la TV du salon de mes parents a été Red Heat (personne n'est
parfait, hein !) et je me souviens m'être extasié de très longues
minutes devant la qualité de l'image de présentation, une prouesse
graphique impensable sur l'Amstrad dont je m'étais séparé : la machine
tenait toutes ses promesses, j'étais aux anges ! Discology a alors
instantanément laissé sa place à X-Copy.
Que penses-tu de la situation actuelle de l'Amiga ?Tout
d’abord, je suis très heureux que l’Amiga, et surtout sa philosophie,
subsiste encore de nos jours chez de nombreux passionnés. Ceci dit, je
dois confier que je n’ai jamais accroché aux machines dites « Next
Gen ». Pour moi, l’Amiga représente surtout une époque, une
idéologie, une certaine conception de la nostalgie. Dans mon cœur,
l’Amiga restera à jamais lié à cette fabuleuse gamme de machines 16/32
bits conçue par Commodore, dont la puissance n’était égalée par aucun
concurrent.
Pour moi, l’Amiga, ce sont ces interminables
parties de Kick-Off 2 le mercredi après-midi, ces heures incalculables
passées à s’user les rétines sur les pixels de Deluxe Paint, ces crises
de fou-rires durant les parties de Worms, ce sentiment de déracinement
lors de l’exploration du monde fantastique et inquiétant d’Another Word,
ou encore l’ébahissement on ne peut plus légitime devant les
incroyables animations de Dragon’s Lair, etc, etc… Bref, à mes yeux, un
Amiga, c’est la machine que j’ai connu jadis, celle qui savait nous
émerveiller en réalisant des prouesses extraordinaires malgré les
contraintes technologiques inhérentes à son époque.
Et je
nourri l’improbable, mais ardent, espoir que le phénomène Retrogaming
prenne l’ampleur nécessaire pour qu’un jour, qui sait, quelqu’un se
décide enfin à relancer la fabrication d’Amiga 500 et 1200 ! J
Quels sont tes projets ?Ils
sont pléthore, et il me faudrait vraisemblablement plusieurs vies pour
les réaliser tous… Dans un premier temps, je vais continuer de
chroniquer les jeux Amiga pour Pix’n Love. Je peux d’ailleurs d’ores et
déjà vous annoncer que j’ai dans mes cartons, d’imposantes interviews
gorgées d’anecdotes qui seront prochainement couchées sur le papier
glacé du mook. J’aimerais par ailleurs beaucoup participer à la
réalisation d’une Bible Amstrad CPC, si l’occasion m’en est un jour
donnée. Enfin, maintenir AmigaMuseum fait également partie de mes
priorités.
Que souhaiterais-tu dire à la communauté ? Surtout,
de continuer à faire vivre la machine par tous les moyens possibles.
Conventions, expositions, sites Web, collections, réalisation de démos,
composition de musiques, de graphismes, développement de jeux,
etc. : Tout doit être mis en œuvre pour que le souvenir de l’Amiga
perdure au fil des âges.
Y'a t-il une question à laquelle tu aurais aimé répondre mais que je ne t'ai pas posé ? Pour
tout t’avouer, je m’attendais à une question portant sur la logithèque
de l’Amiga. Je pensais que tu m’aurais, par exemple, demandé d’ériger un
Top 10 des meilleurs jeux de la machine. Mais, finalement, je suis bien
content que cette question n’est pas été posée car, comme à chaque
fois, j’aurais été bien embêté pour y répondre tellement il y a eu de
pépites vidéoludiques sur Amiga.
C’est bien simple, à
chaque fois que je tente d’isoler les hits de la machine 16/32 bits de
Commodore, je me retrouve au bout du compte avec une interminable liste
de 150 à 200 titres… Ceci dit, ceux qui me connaissent savent
l’impérissable admiration que je porte à Shadow of the Beast et son
univers onirique. Personnes ne sera donc surpris si j’annonce que
j’attends avec une impatience démesurée le reboot PS4 qui se profile à
l’horizon.
Je finirais cette interview en te remerciant
Olivier, tout d’abord pour ta sympathie, mais également pour ton site
qui sert de fort belle manière la cause Amiga.
Only Amiga Makes it Possible !
(c) Juillet 2015 - Eric Cubizolle (TITAN)
Merci
beaucoup d'avoir pris le temps de répondre à toutes ces questions
fortes intéressantes à partager. Un grand bravo pour ton implication et
bon courage pour la suite !