Overdrive
1993 - Infacto
Ecran-titre | Ingame |
Cette boite m'a été très généreusement offerte par Sohor Ty à l'occasion d'une interview que je lui ai donné pour Pix'n Love. Le fait que le jeu n'est pas été commercialisé hors du territoire américain en fait une pièce très rare.
Un grand merci à lui pour sa générosité et son geste désintéressé.
Ci-dessous, les clichés de la boite et son contenu :
L’exploration
des logithèques micro s’accompagne généralement de son lot de surprises et de
mystères. Avec près de 7000 titres aujourd’hui répertoriés, inutile de préciser
que celle de l’Amiga regorge de perles rares et de trésors numériques
insoupçonnés. C’est ainsi le cas d’Overdrive,
un titre qui, dans la mémoire de la grande majorité des joueurs, évoque
instantanément la course automobile effrénée de
Team 17 sortie en 1993. Pourtant, lorsqu’on prête un peu plus
attention à cette année bien précise, on découvre qu’un tout autre jeu a
également partagé ce titre, à défaut de l’affiche. Totalement inconnu de nous
autres, européens, l’Overdrive made in
America a pourtant des origines bien françaises. Immersion dans les méandres
du rêve américain, en compagnie de son talentueux graphiste,
Sohor Ty, et de son acolyte virtuose
du code, Alexis Wilke.
1) Cher
Sohor, peux-tu nous retracer ton parcours dans l’univers du jeu vidéo ?
ST : « Tout a
commencé en 1980, tandis que j’étais en classe de seconde. A cette époque, je me
rendais souvent aux galeries Lafayette avec mon frère
Sopar. C’est ainsi qu’au détour d’un stand de jouets, j'ai noué mon
premier contact avec le jeu vidéo en découvrant l'Atari VCS2600. La console était en démonstration, ce qui nous avait
permis de tester, entre autres, le célèbre
Space Invaders. Et puis il a eu aussi
cette Vectrex qu’un ami m’avait
prêté. A l'époque, j’avoue que je ne prêtais guère attention aux graphismes, ou
même aux spécifications des machines. Mais je trouvais que la Vectrex avait
quelque chose de plus que la console d’Atari, certainement parce qu’elle
intégrait son propre écran et que ses graphismes vectoriels, qui rappelaient
beaucoup le film Tron, bénéficiaient
d’une résolution supérieure à celle d’une VC2600 reliée à la TV par une prise
péritel. Noël 1983 nous a ensuite fait découvrir le
Commodore 64 avec son fameux lecteur
de disquette 5,25 pouce. Bien que plus onéreux que la concurrence, nous avions
décidé de l’acheter. Il faut dire que le Commodore 64 était bien plus qu’une
console. Il me permettait ainsi de créer, par l’agencement laborieux au joystick
de pixels massifs, mes tous premiers graphismes. Le reste du temps, nous le
passions à jouer aux fabuleux Boulder
Dash, Bruce Lee et
International Karate pour ne citer
qu’eux. Les années qui suivirent me contraignaient à me concentrer sur mes
études. Le baccalauréat en poche en 1985, j’entamais des études en Arts
Plastiques à Paris I. Tandis que je
me retrouvais en licence, mon frère achetait un
Amiga 500. Et c’est en découvrant l’incroyable potentiel de ce
microordinateur 16/32
bits,
que s’est réellement produit le déclic, l’envie de travailler dans les jeux
vidéo. L’Amiga 500 et l’Atari 520 ST
ont, je pense, sérieusement contribué à la révolution de l'industrie du jeu
vidéo. Ils offraient la possibilité de faire de beaux graphismes et belles
musiques grâce à de très bon logiciels tels que
Deluxe Paint pour le pixel-art 2D, ou
encore Cubase pour la musique. Je me
suis donc de plus en plus intéressé à l’Amiga, à commencer par la programmation
que j’ai surtout survolé, et rapidement abandonné. Dessiner m’attirait beaucoup
plus. Il faut dire qu’en autodidacte, la souris me permettait enfin de faire du
graphisme de manière convenable. En 1988, je commençais une Maitrise en Arts
Plastiques. Mes lectures étaient alors principalement orientées vers des revues
telles que Tilt ou Joystick. Les
publicités récurrentes qui vampirisaient les pages de cette presse spécialisée
me faisaient rêver, et plus particulièrement celle de
Titus Software pour le jeu
Dark Century. Les illustrations exhibaient fièrement des tanks modélisés en
3D et en ray-tracing sur
Lightwave : j’ai été littéralement
scotché lorsque je les ai découverts pour la première fois ! A tel point, qu’au
risque de devoir stopper net mes études, j’envoyais simultanément une
candidature spontanée aux sociétés Titus
et Loriciel. Par chance la première
d’entre elles m'a répondu et a accepté de m'embaucher. J'ai ainsi commencé à
travailler dans les jeux vidéo le 12 juin 1989. Le destin est lui-même parfois
joueur puisque mon premier job à mon arrivé là-bas, fut de réaliser l'adaptation
graphique des animations de Dark Century
sur Amstrad CPC ! Je suis resté chez
Titus 9 mois, durant lesquels j’ai travaillé en tant que graphiste 2D sur des
projets Gameboy, Amstrad et Amiga. Suite à cela, je suis parti avec mes amis aux
Etats-Unis pour fonder Infacto et produire notre premier et unique jeu : Overdrive. Lors de
mon retour en France, j'ai fait la connaissance des membres de l'ancienne équipe
d’Ere informatique, qui travaillait
alors pour Virgin Games. Ils venaient
tout juste de terminer le développement d’Extase. Philipe Ulrich
m'a alors embauché pour faire de l'animation facial sur les personnages de
KGB, juste avant d’enchainer avec la
version PC du célèbre Dune. A cette
époque, j’œuvrais en tant que freelance, mais comme je n’avais pas de PC chez
moi, je venais travailler à mi-temps dans les locaux de Virgin Loisirs,
directement dans le bureau de Philippe Ulrich. Je ne me rendais pas compte de
l'importance de ce projet Dune dans ma carrière encore. Je me souviens
d’ailleurs de mon entretien d’embauche comme si c’était hier ! Au cours de
celui-ci, la discussion avait dévié, je ne sais pour quelle raison, sur
Twin Peaks, une série télévisée policière que j’avais pris plaisir à
visionner en Californie pendant le développement d’Overdrive. Coup de chance,
Philippe se voulait aussi un grand fan de
David Lynch ! Et comme le hasard fait parfois bien les choses, David Lynch
était le réalisateur du film Dune, qui avait été la source d’inspiration de mon
ami Jean-Jacques Chaubin, notre
directeur artistique et auteur sur ce jeu. Après avoir terminé la version PC de
Dune, mes connaissances de l’Amiga et des contraintes de production sur consoles
16 bits m’ont amené à effectuer les
conversions Amiga et Sega Mega-CD du
jeu. Lorsque Cryo est créée en 1990 avec
Remy Herbulot, Jean-Martial
Lefranc et Philippe Ulrich, j’intègre la société en tant qu’auteur de
logiciels indépendants, avant d’en devenir l’un des salariés quelques années
plus tard. Il s’agit-là d’un moment clé de ma carrière, car une page est
tournée : j'abandonnais les pixels pour me former à la 3D avec
3D Studio v.4, futur
Autodesk 3DS Max. La transition n'a
pas été simple, il a fallu tout réapprendre. Réalisé en collaboration avec
Jean-Jacques Chaubin et une équipe de graphistes,
Lost Eden a ainsi inauguré mes
nouvelles compétences. C’était mon premier jeu doté d’un univers teinté de 2D et
de 3D. J’ai ensuite enchainé avec la saga
Atlantis, Thorgal, Vickings, etc.
Après onze années passées chez Cryo, j’ai effectué plusieurs contrats en
freelance, notamment avec MZone Studio
et Atlantis Interactive. En 2005, par
l’intermédiaire d’un ancien collègue et ami,
Daniel Tecquert, j’intègre une start-up spécialisées dans les
hologrammes à Roissy Charle de Gaule, en tant que graphiste 3D et directeur de
production. Hélas, la faible popularité et l’ampleur des coûts de production des
hologrammes ont empêché l’entité de se développer. Cette courte parenthèse de
mon expérience hors des jeux vidéo a ainsi pris fin au bout d’à peine un an. En
2006, suite une candidature spontanée, je suis rentré en tant que graphiste en
environnement 3D chez Lexis Numérique
où j’ai travaillé, entre autres, sur la série
Alexandra Lederman, C’est pas
sorcier, ou encore Corto Maltese
et Pooyoos sur mobile. 8 ans après
Lexis Numerique, j'ai effectué de courtes missions chez
Emissive et Gumi Europe
(sur Brave Frontiere), avant de
commencer ma mission sur des projets VR (Virtual Reality),
chez Ubisoft actuellement. »
2)
Racontes-nous l’histoire d’Overdrive.
ST : « Les
origines d’Overdrive remontent à 1989, à l'époque où je travaillais chez Titus
Software à Gagny. C’était mon premier job dans le monde du jeu vidéo et c'est
là-bas que j'ai rencontré pas mal de personnes qui font aujourd’hui partis des
pionniers de la discipline. Certains d’entre eux sont d’ailleurs toujours en
activité. Je pense notamment à Laurent
Cluzel, un de mes meilleurs amis. Avec Laurent, et
Noël Billy, nous partagions le même
rêve de graphiste, celui de réaliser un jeu avec nos propres univers et styles
graphiques. En fait, pour bien comprendre l'histoire de la genèse d’Overdrive,
il faut se replonger dans le contexte économique de l'industrie du jeu vidéo de
l'époque. En ce temps-là, l’Amiga et
l’Atari ST sont en plein boom. Les demandes de la part du grand public
affluent littéralement et pour y répondre, les grands éditeurs comme Ubisoft,
Ocean ou encore
Electronic Arts pour ne citer qu’eux,
ont besoin d’éditer des produits originaux et finalisés provenant d’équipes
externes, car leurs propres catalogues ne suffisent pas. A cette époque,
l’ambiance n’est pas extraordinaire chez Titus. Les graphistes sont le plus
souvent cantonnés à des travaux d’exécution qui ne laissent guère de place à la
créativité de chacun. La frustration nous envahi à chaque fois que l’on découvre
ce que fait la concurrence, que ce soit en matière de graphisme ou même de
programmation. C’est ainsi que l’envie de s’exprimer artistiquement germe dans
nos esprits. Ma passion pour les
shoot’em up
m’amenait à pas mal fréquenter les salles d’arcade à l’époque. L’esthétisme des
jeux Sega ou Namco
m’impressionnaient beaucoup et je rêvais de faire la même chose sur Amiga. C’est
ainsi que, de fil en aiguille et après quelques échanges avec des programmeurs
de chez Titus, nous décidons de former une petite équipe clandestine en vue de
développer un jeu en marge de la société qui nous embauchait. Je me souviens
qu’un soir, après le travail, nous nous étions réunis pour déterminer le thème
et le style de jeu sur lequel nous allions œuvrer. Il ne nous a pas fallu très
longtemps pour nous orienter vers un shoot’em up
à scrolling vertical façon 1942 de
Capcom ! C’est réellement à cet instant que le projet Overdrive est
né. J’ai alors quitté Titus le 11 mai 1990 avec deux autres programmeurs de la
boite. Parmi ces derniers, Stephan Scheam était franco-américain, ce qui a catalysé notre
départ pour le vieux contient. Pour la petite histoire, il faut savoir qu’avant
de nous envoler pour la Californie, Stéphan avait contacté
Sega of America dans le but de leur proposer notre projet. Ils
étaient favorables à une collaboration, à la condition de céder tous les droits
d'exploitation du jeu. En contrepartie, Sega proposait de nous rétribuer à
hauteur d’un dollar par boite de jeu vendu. Je ne connais pas exactement les
vraies raisons, mais Stephan a malheureusement refusé leur offre. C’est bien
dommage. Ceci dit, nous n’aurions peut-être pas été aussi libre de faire ce que
l'on voulait ! Nous avons donc décidés, ensemble, de développer et éditer
nous-même le jeu. »
3) Peux-tu
nous éclairer sur le mystérieux label Infacto ?
ST : « Créée
uniquement pour l’occasion le 16 aout 1990 à
Mountain View en Californie, il
s’agit de la société que nous avons montée ensemble dans le but d’avoir un cadre
juridique nous permettant d’éditer notre jeu. Elle était composée d’Alexis
Wilke, de Stephan Schaem, de son père Gregory Schaem (qui est devenu notre
producteur) et de moi-même. C’était, en quelque sorte, une start-up ! »
4) Sur quels
leviers s’appuient le concept et le
gameplay d’Overdrive ?
ST : « Pour
être tout à fait honnête, je dois admettre que le concept d’Overdrive est plutôt
conventionnel puisque, comme dans nombre de shoot’em up, le but est d’aller le
plus loin possible, en upgradant son vaisseau dans l’optique d’affronter les
boss de fin de niveaux. Le scénario a cependant fait l’objet d’un peu
d’attention. L’action se passe en 2510. Toutes les civilisations se sont réunies
pour fonder une confédération unique (un peu comme dans
Star Trek). Mais la paix n’est pas
tout à fait absolue. Dans certaines portions reculées de la galaxie subsistent
des pirates qui mènent des raids toujours plus dévastateurs et meurtriers. Cette
situation a ainsi conduit à la création de l’Unité de Défense Civile (CD-Unit),
dont le joueur fait bien évidemment partie. Envoyé sur la planète Aldérabane, sa
mission consiste alors à détruire l’une des bases avancées des pirates
intergalactiques. Pour l’aider dans son entreprise, il dispose de différents
vaisseaux équipés d’armement aussi bien terrestre qu’aérien. Nous n'avions pas
la prétention de faire un jeu plus original que les autres. Il ne faut pas
oublier qu’il s’agissait de notre tout premier titre. Ce qui primait à nos yeux,
c’était avant tout de proposer un produit à l’esthétique irréprochable, à la
programmation impeccable, doté d’un enrobage sonore inspiré et offrant de belles
séquences de
gameplay bien réglé… que les joueurs trouvent du plaisir à y jouer, tout
simplement ! »
5) Quelles
étaient les méthodes de travail employées chez Infacto ?
ST : « La
structure de l’équipe était très simple puisqu’elle était composée de seulement
deux programmeurs, d’un graphiste et d’un musicien. Chacun avait son rôle et
était libre d’utiliser les méthodes qui lui convenaient. Pour la musique, nous
avons fait appel à Frédéric Bouquerel, freelance à l’époque, qui a sous-traité
le travail. Lorsque nous avons constitué la société, nous n'avions pas les
moyens d'avoir un bureau ou des locaux dignes de ce nom pour travailler. Nous
avons alors loué une maison à Mountain View qui faisait aussi bien office de
bureau, que de logement. L’ambiance était plutôt sympa et décontractée car nous
nous connaissions bien et avions déjà travaillé de concert. Au début, ça se
passait plutôt normalement : nous prenions le petit déjeuné ensemble le matin,
puis nous enchainions avec 10 à 12 heures de travail par jour, et parois-même le
week-end. Il nous arrivait bien sûr de faire un petit break pour se ressourcer,
prendre un peu l’air et se changer les idées. Parfois même, le père de Stephan
nous invitait à manger le soir, quand ce n’était pas pour faire une petite virée
touristique à San Francisco. C'est d'ailleurs à San Francisco que nous avons
rencontré l'artiste qui nous a dessiné la jaquette de la boite du jeu. C'était
un peu plus difficile vers la fin du projet car un de nos programmeurs avait un
horaire très décalé par rapport aux autres membres de l'équipe, comprenez qu’il
préférait travailler la nuit. Mais bon, ce n’était pas si gênant finalement,
d’autant plus que nous n'avons pas rencontré trop de problèmes durant le
développement. Il faut dire que dès le départ, nous avions eu l’excellente
initiative de mettre au point un plan de travail que nous n’avions plus qu’à
suivre. »
6) En tant
que graphiste, tu dois avoir beaucoup de choses à nous livrer sur l’orientation
artistique d’Overdrive.
ST : « Mes
sources d’inspiration ont été multiples. Entourés d’amis qui possédaient
MSX et autres
PC Engine, le style japonais a forcément eut un ascendant prononcé
sur mon trait. Mais ce sont avant tout les superbes
Battle Squadron et Xenon 2:
Megablast qui m’ont influencé pour Overdrive. Je me souviens avoir été très
impressionné en découvrant leur sublimes sprites. A mes yeux, ces deux titres
représentaient, à eux seuls, le summum du
shoot’em up
sur Amiga. Il y avait de très bons artistes à l’époque et la barre avait été
placée très haut. Il fallait donc que je donne le maximum de moi-même pour
Overdrive. Rétrospectivement, et en toute humilité, je dois dire que je suis
finalement plutôt satisfait de mon travail. Les shoot’em up font partie des genres auxquels j’aime beaucoup m’adonner. En tant que
graphiste, animateur, directeur artistique, et auteur (c’est souvent ainsi dans
une petite structure), j’avais bien évidemment carte blanche sur le design.
Comme une grande majorité de graphistes à cette époque, j’employais les services
de l’incontournable Deluxe Paint III
pour tout ce qui concernait les sprites,
les patterns, les illustrations de
présentation et les menus, avant de construire les environnements et les niveaux
par le biais d’un éditeur de maps. Les décors de chaque niveau étaient façonnés par l’agencement de blocs
graphiques (patterns) de 16x16 pixels
et dotés d’une palette propre. Les sprites, dont la taille se devait d’être un multiple de 8 pixels, respectaient
la même logique. Il s’agissait-là d’exactement les mêmes méthodes que celles
employées sur consoles. Les programmeurs intégraient ensuite toute cette matière
dans le pipeline final. Dans l’équipe,
nous avions l'habitude de valider ensemble les créations graphiques, mais en
règle générale, Alexis et Stefan me faisaient confiance. Je ne me souviens pas
avoir rencontré de difficultés majeures pour la production graphique
d’Overdrive. Ceci dit, j’éprouve tout de même un petit regret, celui de ne pas
avoir eu le temps d’intégrer d’autres niveaux tels que, par exemple, un
level aquatique ou dans la jungle. »
7) Overdrive
exploite diverses configurations vidéo allant du HAM6 (4096 couleurs) à la Haute
Résolution (16 couleurs), en passant par le Half-Bright (64 couleurs) : pourquoi
ces choix multiples et inhabituels ?
ST : « On
aborde là un aspect profondément technique de la programmation du jeu pour
lequel j’avoue ne pas être forcément des plus qualifiés. Ce que je peux dire,
c’est que le fait d’avoir opté pour ces modes graphiques aux palettes généreuses
avait engendré de gros ralentissements dans l’animation, qu’il avait fallu
contrer à coup de
Blitter
(NDLR :
un
coprocesseur graphique 2D accélérant les copies de blocs et pouvant être utilisé
pour décharger le processeur principal dans des opérations comme le
scrolling
ou les mouvements de sprites). Il me
semble que c’était une histoire de gestion de la RAM
sur Amiga. Avec seulement 512 Ko, il était assez difficile d’afficher
simultanément, plusieurs niveaux de palettes parmi les 4096 couleurs de la
machine. Les programmeurs simulaient alors des blocs de RAM
supplémentaires pendant le chargement afin d’allouer des places et parvenir
ainsi à afficher plusieurs niveaux de 16 couleurs, en même temps, et en haute
résolution. »
AW : « Le
Blitter était effectivement employé pour bouger la mémoire graphique. En
d’autres termes, pour dessiner ce qui entrait et sortait de l'écran. La gestion
des couleurs était quant à elle régit par un autre coprocesseur de l’Amiga, le
Copper. Ce dernier nous permettait de changer les couleurs pendant que l'écran
était affiché, juste avant qu’elles ne soient utilisées. Le Copper
était aussi utilisé pour faire scroller
l'écran en changeant l'adresse mémoire à montrer. On ne changeait ça qu'en haut
de l'écran et une fois quelque part au milieu. »
8) Pourquoi
Overdrive n’a-t-il été commercialisé qu’en Amérique ?
ST : « Il y a
une bonne raison à cela. Etant donné le caractère sommaire de notre structure,
nous n’avions bien évidemment pas le budget marketing adéquat pour communiquer
outre atlantique. Nous comptions alors exclusivement sur les tests de la presse
spécialisée pour gagner en popularité et faire connaitre notre jeu hors des
frontières américaines. Malheureusement, cela ne s’est passé comme ça. C’est là
que je me suis rendu compte que la force du marketing est, hélas, primordial
dans n'importe quel business. Et nous, nous avions complètement négligé cet
aspect. Les petites équipes telles que la nôtre avaient pour habitude de passer
par de gros éditeurs. Dans notre détermination à vouloir gérer par nous-même la
création et l’édition, nous avons commis notre plus grande erreur… Au bout du
compte, nous sommes tout de même parvenus à commercialiser Overdrive,
mais seulement aux Etats Unis. »
9) Te
souviens-tu de l’accueil reçu par Overdrive lors de sa sortie ?
ST : « Cela
peut sembler incroyable, mais je n’en ai pas la moindre idée ! En fait, je n’ai
absolument pas suivi son parcours. L’explication à cela tient dans le fait
qu’Overdrive est sorti plus de deux ans après le début du développement et,
qu’entre-temps, Alex et moi, alors détenteurs d’un visa de 6 mois seulement sur
le territoire américain, avions été contraints de revenir en France début 1991.
Des raisons d’ordre techniques et financier avaient par ailleurs également
activées notre départ. Je me souviens qu’au moment de retourner en France,
j’avais terminé l’intégralité des graphismes, mais qu’il restait encore le
gameplay de plusieurs niveaux à programmer. Stephan, ayant la double nationalité
était quant à lui resté aux Etas Unis. A ce moment-là, Je dois bien avouer que
le projet est presque tombé à l’eau. Nous avions déjà fait fabriquer quelques
centaines de boites, ainsi que la documentation et les stickers à coller sur les
disquettes, mais la programmation n’était, hélas, pas terminée : trop de retard
avait été pris sur le planning initial. De retour sur l’hexagone, j’ai fait une
croix sur ce projet et ai pris un autre chemin. Ce n’est qu’un an plus tard
qu’Alexis a pu négocier un accord avec Stephan et son père pour repartir
finaliser le projet. Je n’ai pas de chiffres en ma possession, mais je ne pense
pas qu’il se soit vendu beaucoup d’exemplaires d’Overdrive, hélas. Ceci dit,
j’ai découvert bien plus tard sur Internet qu’il avait été testé et que ses
notes étaient bonnes ! Voilà qui fait toujours plaisir. »
AW : « Du
point de vue des ventes, tout ce que j'ai entendu pour ma part, c’est que
seulement une centaine de copies avaient été écoulées. En gros, toutes les
boîtes que l'on avait commandées. Si le manque de markéting a eu un impact
indéniable sur ce bilan, il ne faut pas oublier non plus qu’à la période où a
été commercialisé Overdrive, l’Amiga vivait ses dernières heures de gloire.
Peut-être que, si notre jeu était sorti deux ou trois ans plutôt, aurait-il
connu un sort un peu plus clément… »
10) Qu’est-ce
qui t’a le plus motivé dans la création d’Overdrive ?
ST : « Indéniablement, de partir à l’aventure en Amérique avec trois amis ! Nous
étions tous très motivés à l’idée de créer notre propre boite car, je le
rappelle, nous venions tout juste de démissionner de chez Titus. Ensemble, nous
avons trouvé le nom de la société, Infacto. J’avais moi-même dessiné le logo et
la typo. Au début, je pensais que ce serait l’occasion rêvée de découvrir un peu
le pays en faisant un peu de tourisme. Mais, en réalité, cela n’a pas été trop
le cas car aucun de nous n’avait le permis de conduire, sans parler de notre
budget qui ne le permettait pas de toute façon. »
11) As-tu des
anecdotes à nous livrer au sujet d’Overdrive ?
ST : « Au
moment de louer la maison qui nous hébergerait en Amérique, je me souviens que
le propriétaire avait mentionné l’existence d’une belle piscine. J’étais aux
anges ! A notre arrivée, la piscine était bien là... sauf que l’utiliser aurait
requis, au préalable, de la nettoyer complétement et de l’entretenir. Au regard
de l’ampleur de la tâche, et du travail qui nous attendait de toute façon, nous
avons rapidement oublié l’idée de se mouiller. Comme je le dis plus haut, pas un
de nous trois n’avait le permis de conduire. Ce qui m’avait marqué, c’est
qu’Alexis et moi-même étions quasiment les seuls à marcher dans la rue pour
aller faire des courses ! Là-bas, j’ai découvert lel chili con carne et la
mauvaise baguette de pain. Heureusement pour moi, je ne suis jamais allé me
restaurer dans un fast-food car je pense que je serais devenu obèse (rires) ! »
AW : « Pour
être tout à fait honnête, je dois quand même avouer que nous sommes allé
plusieurs fois chez Burger King. Mais
nous nous contentions de prendre une salade. Donc, effectivement, pas de burger
bien gras, ni de frites gorgées d'huiles. »
12)
Qu’éprouves-tu aujourd’hui pour Overdrive ?
ST : « Je
ressens une certaine fierté d'avoir participer à cette aventure, qui reste un
très bon souvenir, même si nous n'avons pas obtenu le succès escompté avec
Overdrive. J’y ai découverts les Etats Unis, et plus particulièrement San
Francisco grâce à Greg, le père de Stephan, qui nous a également offert
l’opportunité de visiter les locaux de Silicon Graphics à Mountain View où il
travaillait en tant qu’ingénieur. Pur hasard ou petit clin d’œil du destin,
toujours est-il que Silicon Graphics a longtemps été le fabriquant de stations
de travail dans le domaine de l’infographie, de la 3D, du traitement vidéo, du
calcul haute performance… et qu’aujourd’hui, je suis moi-même artiste 3D ! Grâce
aux réseaux sociaux, j’ai pu récemment reprendre contact avec Alexis, qui est
reparti vivre là-bas. Je n’ai franchement aucun regret, mais je m’interroge
parfois sur ce qu’il aurait pu se passer, si l’on avait accepté le deal avec
Sega… »
13) Cette
même année 1993, Team 17 sortait sur Amiga un jeu également baptisé Overdrive.
N’y a-t-il pas eu de problème quant à la réutilisation de ce titre ?
ST : « Même
si, ayant démarré sa conception en septembre 1990, notre jeu était antérieur à
celui de Team 17, je ne pense pas qu’il y ait eu un quelconque problème de
droit. De toute façon, Team 17 était bien plus populaire que nous et, surtout,
il n’y avait pas d’intention de nuire à notre propre Overdrive. Les deux
produits étaient par ailleurs foncièrement différents. Enfin, le fait que notre
jeu ait connu une distribution assez confidentielle, réservée à l’Amérique, a
certainement contribué cette saine cohabitation. C’est, en tout cas, mon
ressentis sur le sujet. »
14) Quelle
est ton actualité ?
ST : « Je
travaille actuellement chez Ubisoft, dans le département NBO (New Business
Opportunities) où je m’occupe de la conception 3D des décors et VFX sous 3DS Max
et Unity sur des projets VR (Virtual Reality) à venir. Nous avons d’ailleurs
récemment présenté un projet de ride VR 4D à l’E3 et à la Gamescom qui a
rencontré un vif succès. Il s’agit d’un roller coaster (montagnes russes) équipé
d’un casque de réalité virtuelle (l’Occulus) synchronisé avec un siège en
mouvement, le tout plongé dans l’univers déjanté et si cher à Ubisoft, des
lapins crétins. Steven Spielberg et Heli Jawoo sont venus le tester en personne
sur le stand d’Ubisoft ! Je suis vraiment très content d’être impliqué dans ce
projet car je suis fasciné par monde de la réalité virtuelle et son coté
immersif impressionnant. Il y a encore énormément de choses à explorer dans ce
domaine. De gros constructeurs tels que Sony, HTC ou même Facebook avec leur
Occulus, vont d’ailleurs sortir leurs modèles pour le grand public à la fin de
l’année 2015. Il y a un gros potentiel sur ce marché et ce qui arrive est très
prometteur ! »
Des chiffres
et des lettres
Extraits
directement du verso de sa jaquette, voici quelques chiffres qui résument
bien la débauche de technique et de prouesses qui avait été mise au service
d’Overdrive :
Plus de 600
écrans, pour un total de 3 heures et 30 minutes de scrolling ininterrompu.
12 thèmes
musicaux différents.
Plus de 128
couleurs au total, dont 64 simultanément lors des phases d’action.
110 sprites
animés avec leurs ombres respectives.
20 animations
de background.
4
illustrations d’interlevel.
3 types de
scrolling (vertical, multidirectionnel et différentiel).
Un mode deux
joueurs simultanés.
Le tout
stocké sur 3 disquettes au format spécial de 1,7 Mo.
Lorsque les
joueurs se shootaient à l’Amiga.
Durant son
règne, l’Amiga a enfanté une pléthore de shoot’em up, et les énumérés tous ici
se révélerait une bien trop longue et fastidieuse entreprise. Si nombre d’entre
eux se sont, hélas, perdus dans l’obscurité de cet océan de titres, fort
heureusement pour nous, quelques-uns, plus emblématiques, ou tout simplement de
facture exemplaire, en ont été les phares directeurs. Parmi ceux-ci, citons les
incontournables Hybris (1988), Katakis (1988), Blood Money (1989), Battle
Squadron (1989), Xenon 2 (1989), Apidya (1990), Z-Out (1990), SWIV (1991), Agony
(1992) et Project-X (1992).